GDF/Suez le fond et la forme

Le projet de fusion en GDF et Suez se justifie parfaitement sur le fond, les deux entités étant très complémentaires. Par contre la forme de l'annonce de cette fusion a été catastrophique. Les états-majors des deux groupes discutaient déjà depuis plusieurs mois de leur rapprochement. ENEL a tout précipité.

L'annonce de la solution GDF/Suez par le Premier Ministre en personne, avec le drapeau français en arrière plan a été pour le moins maladroite et a braqué l'Italie, la Belgique (qui voit la nationalisation de Suez donc le passage d'Electrabel sous contrôle du gouvernement français) et les syndicats (qui voient eux la privatisation de GDF).

Il aurait mieux valu laisser les présidents des deux groupes annoncer l'opération. Que le gouvernement s'intéresse de près à une telle affaire est la moindre des choses et se justifie mais pour employer une métaphore informatique, il serait préférable que ces discussions (négociations) se déroulent comme des programmes qui tournent en arrière plan. Malheureusement l'humilité et la simplicité ne sont pas des vertus que l'on a enseignées à nos élites politiques et administratives.

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Commentaires

Je suis tout à fait d'accord, et c'était également l'avis de la chronique de géopolitique de Bernard Guetta sur France inter en début de semaine. Il aurait pourtant été très facile de justifier tout cela en termes purement industriels. Je répéte souvent que l'intelligence économique n'est intéressante que si l'on s'extrait de la rhétorique simpliciste de la "guerre économique" que certains ressortent à longueur de temps. Avec le patritotisme économique, le Gouvernement part du 1er concept (et de la nécessité d'arrêter d'être naïfs sur la scène économique internationale) pour courir vers le second, et donc vers un échec patent. C'est dommage.

Il est vrai qu'il peut paraître étonnant que des personnalités du gouvernement apparaissent en tant qu'actinnaires aux côté des Présidents de deux entreprises qui souhaitent se rapprocher.

Cela n'est évidemment du qu'au fait que l'Etat ( les citoyens francais ) est un très gros actionaires de GDF.

Si Monsieur Pinault avait été dans la position de l' Etat, personne n'aurait trouvé à redire qu'il se manifeste de la même manière.

Donc, si l'on se place sur le simple plan de l'actionnariat, cela ne m'étonne pas !

Les dessous de cette "affaire" qui ne devrait pas en être une selon moi, ont été présenté dans l' hebdomadaire LE POINT dans un article détaillé.

Le 1er janvier 2007, le "gouvernement" de l' EUROPE a déclaré le marché de l'énergie " libre ".

EDF et GDF (en France), vu leur positions d'opérateurs historiques peuvent avoir du mal, face à une telle décision, à se rapprocher, pour constituer un opérateur global de l'énergie ( gaz + électricité ).

ENEL,majoritaire dans l'électricité en Italie, et dont l' Etat italien lui aussi est un gros actionnaire (!), aurait passé un pacte secret avec une autre entreprise VEOLIA acteur du marché de l'eau aux termes duquel, si ENEL ( aidée par l'Etat italien ) arrivait à acheter SUEZ, alors cette cible serait découpée et toute l'activité "Eau" de SUEZ serait racheté par VEOLIA.

On aurait donc deux groupes "italiens" confortés en Europe l'un dans l'Electicité avec ENEL + SUEZ-Electricité et VEOLIA + SUEZ-Eau.

Belle opération, évidemment.

La fusion GDF et SUEZ, au contraire devrait constituer un groupe multimarché car le résultat de la fusion ( sauf si SUEZ est là aussi découpé en 2 parties ) couvrirait le marché de l'énergie ( Gaz + Electricité ) et aussi celui de l'Eau.

Le comportement de l'Etat, peut aussi être analysé comme un véritable comportement d'actionnaire et pas comme un comportement de " repli nationaliste ".

Mais au final, dans cette affaire, les puissants qui se battent et s'opposent, ne sont pas les actionnaires privés mais bien les ETATS eux-mêmes.

Oui, décidemment, le domaine de la lutte s'est bien déplacé de la "guerre militaire entre Etats" à la "guerre économique entre Etats" !

C'est là que l'on comprend mieux pourquoi les spécialistes de l'Intelligence Economique parlent de synergie entre Renseignement d' Etat et Renseignement d'Entreprise...

Je suis tout à fait d'accord : ce sont les ETATS qui s'affrontent. Comme l'a fait remarquer récemment un journaliste de Libération, la situation actuelle rappelle étrangement celle de la fin du XIX eme siécle et du début du XXeme avec la montée des nationalismes qui conduisit aux désastres que l' on connaît.
Dans le cas particulier de l'affaire GDF/Suez, des discussions étaient en cours depuis longtemps entre les deux entités. Qu'a apporté l'intervention solennelle du Premier Ministre? Rien, à part braquer le gouvernement italien, l'Union Européenne et rappeler que la France reste colbertiste et fondamentalement protectionniste. Même ceux de nos politiques qui s'auto-proclament "libéraux" ne peuvent s'empécher d'intervenir dans le domaine de l'économie privée. Le passage de Sarkozy à Bercy en a été une illustration flagrante , en particulier avec l'affaire Alstom, dont, in fine, une partie finira quand même à l'étranger.
ENEL lorgne sur ELECTRABEL. C'est parfaitement son droit. L'alliance, pour ce faire, avec VEOLIA me semble par contre pour le moins étrange et opportuniste. Elle conduirait inéluctablement à la scission de SUEZ, les activités internationales dans l'eau de Suez Environnement partant, par exemple, chez un quelconque fonds de pension américain. Le schéma prévu par les états-majors de GDF et SUEZ permet d'éviter ce démantelement et ne doit rien à des fanfaronnades politiques.
Le "nationalisme économique" doit relever de la conscience des chefs d'entreprises, avec le soutien, discret, des pouvoirs publics.Encore faut-il éviter toute mégalomanie manégériale, ce qui est malheureuseument fort répandu.
La forme est souvent au moins aussi importante que le fond et permet, lorsqu'elle est maniée avec intelligence, d'éviter la cristallisation de positions irréversibles.

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