Du pétrole en général et de l’Iran en particulier

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La flambée actuelle, en particulier, des cours du pétrole se distingue nettement des hausses que l'on a connues lors des deux chocs pétroliers précédents. L'augmentation continue, depuis 2001, du prix du pétrole marque la fin du pétrole bon marché. Des raisons structurelles sont à l'oeuvre et la soif pour l'or noir est loin de se tarir. L'Iran reste, dans ces conditions, un acteur majeur de la scène énergétique mondiale.

Le monde a connu, depuis la fin de la dernière guerre mondiale, de nombreuses crises pétrolières. Certaines ont fait suite à des tentatives de nationalisation des ressources pétrolières. On peut citer la  nationalisation de Mossadegh en Iran dans les années 50 ou celle de Boumediène en Algérie en 1971. D’autres étaient provoquées par une réduction, volontaire ou involontaire, de l’offre. Dans la plupart des cas, des raisons politiques ont généré, ici ou là, une raréfaction de l’offre. On parlait alors de l’arme du pétrole.  

La première, en 1973-1974, fait suite à la guerre d’octobre 1973. Les pays arabes annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les pays soutenant Israël et décident d’une réduction mensuelle de 5 % de la production pétrolière jusqu’à l’évacuation complète des territoires occupés et la reconnaissance des droits des Palestiniens. La pénurie suscite une forme de panique ; les prix connaissent une ascension vertigineuse. En outre, l’OPEP augmente les prix officiels : ils quadruplent entre octobre et décembre 1973. C’est le premier choc pétrolier. 

La seconde, en 1979, fait suite à la chute du Shah en Iran, l’arrivée de Khomeini au pouvoir et la longue crise de l’occupation de l’ambassade américaine à Téhéran. L’interruption, pendant quatre mois, des exportations iraniennes de pétrole débouche sur le doublement immédiat du prix du baril. Mais à l’inverse du premier choc pétrolier dont les effets se feront sentir jusqu’en 1978, ce second choc pétrolier fut rapide et sans lendemain. En 1986, c’est le retour de balancier. La chute des cours de pétrole est telle que l’on parle de contre-choc pétrolier. Au regard de l’histoire, les crises de 1973 et de 1979 avaient des causes assez simples et facilement identifiables. 

La situation pétrolière actuelle est tout à fait différente. Le pétrole, qui a connu une hausse continue depuis 2001, passe la barre symbolique de 100 $ le baril. Certains spécialistes anticipent la poursuite de la hausse. D’aucuns annoncent un baril à 150 sinon 200 $. Mais pour tous, ce qui est certain, c’est la fin du pétrole bon marché. Quatre raisons majeures, toutes plus complexes les unes que les autres, sont à l’oeuvre.  

La première tient à l’explosion de la demande. La croissance mondiale soutenue, l’émergence de nouveaux pays "énergétivores", notamment la Chine et l’Inde, et la demande américaine alimentent cette soif pour l’or noir.  

La deuxième est la conséquence d’une diminution relative de l’offre. La guerre, en Irak, le terrorisme au Nigeria,  les sanctions contre l’Iran, l’obsolescence des infrastructures pétrolières par manque d’investissement ou de personnel qualifié, comme au Vénézuela réduisent les capacités de production potentielles.
 

La montée des coûts de production et de raffinage en est une troisième. Plus des 3/4 des hausses des investissements des sociétés pétrolières sont absorbés par ces hausses de coûts.  

Enfin, la quatrième et dernière tient à la financiarisation des marchés pétroliers. A titre d’exemple, sur la plus grande Bourse pétrolière du monde, l’ICE, en 2003, 75 % des volumes de gré à gré étaient échangés électroniquement par les pétroliers eux-mêmes, 22 % par les banques et seulement 0,3 % par les Hedge Funds. En 2006, la part de ces derniers était passée à 33 % !

 

Peut-on, dans ces conditions, se passer du pétrole et du gaz iraniens ? La réponse est non. Avec respectivement les 3èmes et 2èmes réserves mondiales prouvées de pétrole et de gaz, l’Iran reste un acteur incontournable de la scène énergétique. D’autant que la soif mondiale pour l’or noir est loin de se tarir.

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Dossier réalisé en collaboration avec Meriem Sidhoum Delahaye

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Commentaires

J'ai trouvé, bien évidemment,le dossier de Pierre Terzian très riche sur le sujet.

J'en ai retenu, en particulier, que la possession simultanée de pétrole sur un territoire ne signifie pas nécessairement en elle-même ni richesse pour les habitants ni développement technologique et économique.

L'Iran aura besoin pour mieux valoriser à son profit ses immenses réserves pétrolières et gazières :

- d'une capacité à décider seule de son destin que beaucoup d'autres voudraient lui oter en "négociant" son droit à s'armer de manière dissuasive
- mais aussi d'une capacité nouvelle d'investissement dans les technologies pétrolières et gazières , technologies dont elle ne dispose pas.

L'enjeu "pétrole contre nourriture" risque de devenir "pétrole contre technologies", au plus grand profit des pays occidentaux...

Je reviens sur le fait cité ici de la financiarisation accrue des marchés pétroliers.

Je pense que l'auteur parle de "marchés à termes" semblables à ceux qui existent pour les matières premières (sucre, café, mais, cuivre, etc).

Voilà encore un exemple d'instrument conçu dans un but de régulation mais qui laissé au main des "purs financiers sans visée économique" peut conduire à des catastrophes !

Ce sont des instrument de régulation dans le temps des revenus des producteurs qui, grâce à eux, vendent aujourd'hui et longtemps à l'avance leur "production future".

Je parle d'une quantité de 100 tonnes de café, par exemple, qui sera livrable chez l'acheteur final dans 6 mois à partir d'une récolte qui n'est pas encore faite.

Ce système est fait, au départ, pour assurer un revenu garanti à un producteur. Il y a ici une sorte de "titrisation de la production de matières premières". C'est pour ce producteur une sorte d'assurance pour son exploitation courante. (pensons aux sub primes !)

Si les titres correspondants deviennent soudainement le jouet de spéculateurs financiers de métier, comme les HF, alors l'esprit de marché est corrompu, il n'est plus basé sur le réel ou le réel possible prévisible mais sur les forces de "tendances graphiques" que ces spéculateurs arrivent à induire dans des les marchés.

Prenez le cas du café (exemple que je connais bien pour l'avoir vécu moi même il y a quelques années !), que pensez vous qu'il arrive au dernier acheteur en date, porteur du titre lorsqu'arrive la date de l'échéance ? Il doit la liquider, c'est à dire qu'il doit obligatoirement réceptionner la marchandise physique correspondant au "titre" dont il est détenteur!

Avez-vous vu déjà un HF, remplir sa baignoire avec ses 100 tonnes de café ?

Non, il aura déjà revendu, beaucoup plus cher, son titre à un acheteur qui lui est du monde " réel et économique " et il aura empoché son bénéfice financier.

Résultat, l'acheteur du monde réel qui lui aura besoin de café, ne pourra acheter que cher un bien qui peut n'avoir aucune raison économique sérieuse de valoir plus cher.

Pour ma part, humblement, je crois vrai que la hausse actuelle du pétrole est "spéculative et non économique" eet qu'elle s'alimente, à court terme, de l'imprégnation de manque créé par les analyses, fort judicieuses, de ceux qui crient un peu trop fort au loup pour le manque de pétrole. Certes le pétrole va manquer mais pas demain, juste après demain...

Il ne faut pas s'affoler mais il faut être "vigilant" et "inventif"....

Michael Franzese, responsable obligataire chez Standard Chartered, pense
que la seule chose qui permettrait une modération voire une baisse du prix
du pétrole serait une "bonne récession mondiale" ...

Nous y voilà !

A défaut de véritable "régulation intelligente" internationale des prix
des matières premières, lorsque le marché laissé sans contrôle "entre en
divergence", la seule issue que le marché envisage pour retrouver ses
esprits, est la crise grave (récession, guerre, cataclysme,..)

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