Démocratie

Le malheur, une idée neuve en Europe ?

Dans un mouvement à double détente, de la marginalisation des partis traditionnels en 2017 à l’irruption populaire en 2018, la France a rejoint le mouvement de recomposition politique à l’œuvre dans la plupart des pays occidentaux. La diversité des causes immédiates et les idiosyncrasies nationales dans les formes de la crise ne doivent pas masquer l’unité des causes profondes : aucune innovation politique n’a sérieusement répondu aux bouleversements auxquels nos sociétés sont exposées depuis un demi-siècle. Depuis la rupture monétaire de 1971 un nouveau développement du capitalisme, fondé sur

"Comment meurent les démocraties"

Jean-Claude Hazera recherche ce qui a pu expliquer la fin ou au contraire la résilience des grandes démocraties de l’entre-deux-guerres : fin de la démocratie en Allemagne, en Italie, en Espagne et en France, solidité au contraire des Etats-Unis (le Royaume Uni est absent). La qualité de son style et la pertinence de ses sources rendent sa recherche passionnante et sa thèse convaincante : le premier critère de solidité d’une démocratie est son ancienneté et son principal danger le nationalisme nourri d’humiliations. Deux facteurs essentiels ne viennent qu’ensuite. Le premier est la conjoncture

Emmanuel Macron, Louis XVI des temps modernes ?

La haine contre Emmanuel Macron, exprimée parfois violemment ces dernières semaines, peut surprendre. Cet homme, jeune, avec son physique de premier de classe, ses manières policées, son ton posé, n'a pourtant rien pour inspirer spontanément de l'antipathie. Certes, son calendrier de mesures a été un peu à contretemps. Il s'est empressé de supprimer l'ISF, alors que les mesures « sociales » comme la suppression de la taxe d'habitation vont s'étaler sur plusieurs années. Certes, il s'est montré blessant lorsqu'il a parlé des « Gaulois réfractaires », de « ceux qui ne sont rien » et autres

Un autre partage du pouvoir

Sitôt le discours présidentiel terminé, les chaînes nationales ont donné l’antenne aux ronds-points où la tonalité fut plutôt défiante. Nous reçûmes donc immédiatement le verdict des gilets jaunes interrogés qui, par ailleurs, rappelaient qu’ils ne représentaient qu’eux-mêmes. Que les médias aient renoncé à leur médiation peut être vu comme le point d’aboutissement d’une désintermédiation de la vie politique que les études d’opinion, qui donnaient aux politiques et aux médias les pires scores de confiance, annonçaient depuis longtemps. Conscient du problème Emmanuel Macron s’est raccroché dans

Quel genre de "facho" est Bolsonaro

Jair Bolsonaro, le personnage pour lequel on voté massivement les électeurs brésiliens aux présidentielles les 7 et 28 octobre, est d’extrême droite, se déclare lui-même nostalgique de la dictature des années 1964-1985 et représente certainement une menace pour les libertés des Brésiliens. Mais encore ? Autoritaire ou fasciste ? Où le classer dans la longue histoire des ennemis de la démocratie ? Son ascension fulgurante est un tournant, et pas seulement pour le Brésil. Que les électeurs votent pour lui n’est pas nouveau. Les fascistes de Mussolini ont remporté des succès aux élections avant

« Ordre et progrès » contre démocratie libérale ?

Et maintenant le Brésil ! Le Monde peut titrer d’un magnifique oxymore sans choquer : « Election présidentielle au Brésil, la démocratie menacée » : oui, c’est le désir des peuples, sanctifié par l’élection, qui met à bas le libéralisme politique. Ebahis, nous découvrons que la version libérale de la démocratie n’est pas le graal de tout le monde ou qu’il ne l’est plus. La fin de l’histoire n’a pas eu lieu, la prophétie de Fukuyama a vécu ce que vivent les prophéties l’espace, non pas d’un matin, mais d’une génération. Au-delà du Brésil la défiance des non-Occidentaux —les trois quarts de l

C’est grave ce qu’a dit Gérard Collomb ? Et bien…oui.

« Si on veut garder le droit de manifester (...) il faut que les participants puissent s’opposer aux casseurs et ne pas, par leur passivité, être d'un certain point de vue complices de ce qui se passe », a dit le ministre de l’Intérieur sur BFM, le 26 mai. Au Club des vigilants, nous n’avons pas l’habitude de monter en épingle les petites phrases et maladresses qui ne font que trop l’écume de l’actualité. Celle-ci ne mérite pas la démission d’un ministre. Mais si elle se répétait et n’était pas recadrée, venant du gardien de « la violence légitime », elle poserait un grave problème. Et, à ce

Et la démocratie en Italie, tout le monde s’en fout ?

Où vont la démocratie, les libertés et l’Etat de droit en Italie ? Cette question capitale semble secondaire dans les réactions et commentaires suscités par les cataclysmes politiques qui s’enchaînent depuis les élections législatives du 4 mars qui ont mis en tête les deux principaux partis anti-système : la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. L’économisme est à son comble. Certes le contrat de coalition qu’ont tenté les deux partis anti-système, simple addition des promesses démagogiques de l’un et de l’autre, était irréaliste et avait tout pour déclencher une crise financière en Italie et en

Notre-Dame de la gouvernance

Dans le long feuilleton Notre-Dame-des-Landes, l’accueil réservé à la décision gouvernementale d’abandonner le projet n’est pas le moindre des enseignements : aux trois-quarts les Français l’ont plébiscitée ! Quelques points séparent les sondés de « droite » ou de « gauche » mais les clivages traditionnels (autorité/laxisme, économie/écologie) n’ont pas fonctionné comme lors du référendum local (55/45). Personne n’imagine pour autant que les Français ont adhéré en masse aux méthodes radicales du zadisme. Plus profondément, la décision a conforté deux tendances de fond que les politiques

Premiers enseignements des troubles en Iran

Les six jours de manifestations et d’émeutes sporadiques qui viennent de se dérouler en Iran démontrent la persistance dans la population d’une souffrance diffuse et profonde, alimentée par le chômage, la pauvreté, l’absence de perspectives économiques et politiques, alors que prospère d’autre part une richesse insolente, soutenue par l’État, alimentée par la corruption. « Occupez-vous de nous », crient les manifestants « plutôt que de vous occuper de la Syrie, du Yémen, du Liban, des Palestiniens ». Il s’agit donc d’un appel au secours, mêlé à la colère qui ose s’exprimer contre le