L’empire de la marge 

« Vertueuse » quand elle se transforme en investissements et en emplois la marge des entreprises a de nombreux effets négatifs quand elle est excessive. Depuis l’école primaire nous savons que la différence entre le prix vendu et le prix coûtant s’appelle la marge. La marge du distributeur s’additionne aux différentes marges déjà prélevées par l’ensemble des intermédiaires. Ainsi à chaque transfert le produit prend « de la valeur » sans pour cela en être modifié dans sa nature et son usage. «On se paye sur la bête» pour compenser ses frais mais aussi surtout pour faire de l’argent.

Faire de l’argent n’est pas le problème quand la marge est équilibrée mais, de plus en plus, cet équilibre n’existe plus, faire de la marge est devenu comme une mode. Dans le milieu du commerce, il est en effet à présent préférable de vendre « un » produit à forte marge plutôt que plusieurs à marge réduite. Et en termes de marge les records ne se comptent plus ! Certaines marges des marchés de niche sont si fabuleuses qu’elles en font saliver plus d’un ! Mais les marchés de niche ne sont pas seuls concernés. Avec l’importation de produits à bas coût de fabrication (par exemple en provenance d’Asie), tout devient en effet possible en termes de marge. Le même produit qui vaut 10 sera vendu 30, 100 ou 1 000 ou plus selon le client ciblé (par exemple un patient), la localisation (par internet ou en magasin) ou la période au cours de laquelle le produit est vendu (par exemple un billet de transport). Voilà pourquoi quelquefois certains se font faire une prothèse dentaire à l’étranger. Quel est le problème ? En fait le problème est que, sans repère tangible, le consommateur n’est plus à même de juger de la valeur réelle de l’objet à acquérir. De plus par effet boule de neige inflationniste, le consommateur, qui est souvent lui aussi un producteur, retranscrit, pour compenser, sur ses propres productions ces marges inacceptables et incompréhensibles. On pourra me dire que le marché est régulé par la loi de l’offre et de la demande et par la mise en compétition des acteurs. Cela est vrai et l’arrivée des low-costs en est un parfait exemple. Mais les low-costs ne sont pas partout. Certains marchés sont cloisonnés et le client, piégé, trompé, est laissé sans autre choix que celui d’obtempérer.

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Commentaires

Autrement, outre le problème des marges, il y a celui de l’interdépendance des métiers agricoles où les MP sont achetées à prix fixe à celui à qui on vend le produit fini.

Avec des taux d’endettement et des taux d’emprunt asphyxiants, c’est le Crédit Agricole qui est propriétaire des exploitations.

Un aveuglement français qui savait que la PAC aurait une fin et qui n’a rien anticipé et aujourd’hui cela lui pète à la figure et on crie sur l’Europe.

Cela a conduit à la déresponsabilisation de la filière.

Un exemple :

Quand on demande sa marge à un supermarché, sa réponse « justifiée » est souvent de l’ordre de 4%.

Pourquoi si peu ?

Parce que la vraie marge est réalisée en amont au niveau de sa centrale d’achat qui prend elle les bénéfices.

C'est la centrale d'achat qui met la pression directement sur les producteurs ou sur leurs intermédiaires (industriels ou commerciaux), ce qui revient au même.

A l'heure d'internet et des sites comparatifs, le client n'a jamais eu autant de pouvoir pour choisir et acheter au "meilleur" prix.
Sauf dans certains secteurs (luxe, hi-tech,...) on ne peut guère, me semble-t-il, dire que les entreprises "fassent de la marge" de façon scandaleuse.
La marge, c'est l'équilibre des forces qui la crée. Alors, lorsque l'équilibre se fait au détriment d'une catégorie d'acteurs, les plus faibles en sont réduits à faire appel aux pouvoirs publics.
Car, en France, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, les pouvoirs publics sont le deus ex machina appelé à rétablir les équilibres dont le "marché" ne veut pas (cf. les manifestations des éleveurs).
Problème : c'est sur le dos du contribuable que ce rétablissement s'effectue (diminutions d'impôts, subventions,...).
Alors : empire de la marge ou empire des intermédiaires ?

C’est un vrai sujet, je crois, que soulève Jean-Luc.
Il est vrai qu’une partie des entreprises françaises souffre de marges insuffisantes pour investir et embaucher, dans l’industrie notamment. Il est vrai que la concurrence joue, en théorie et souvent en pratique un puissant rôle régulateur.
Il n’en reste pas moins que le fonctionnement actuel de l’économie génère des marges excessives, en France et ailleurs. Quelques preuves ou pistes :
On dénonce de plus en plus officiellement les inégalités de revenus excessives et leurs effets néfastes sur l’économie. Ces inégalités de revenus viennent bien de quelque part, en l’occurrence de marges excessives dans des secteurs comme le numérique et la finance (le luxe étant un cas un peu à part).
Evidemment l’économie dans son ensemble, et pas seulement les consommateurs, paye le prix de ces excès. Deux exemples français me viennent à l’esprit :
- Les services aux entreprises dont l’OCDE dénonce régulièrement le coût excessif en France. Autant que le coût du travail ils sont responsables du manque de compétitivité d’une partie des entreprises françaises.
- Le coût de la construction. Pourquoi est-il chroniquement plus important en France qu’ailleurs ?
Je pense que, dans ces deux cas, les politiques de marges, donc sans doute une insuffisance de concurrence, peuvent être un facteur d’explication au moins aussi important qu’un manque d’efficacité ou de productivité qui resterait à démontrer.
Je pense qu’une partie du débat sur l’absence de gains de compétitivité vient du fait que ces gains ne sont pas « rendus » à l’économie mais accaparés.

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