Une opportunité de renouveau pour la gouvernance de la France

070509-GouvernanceFrance.jpgDepuis plusieurs dizaines d’années, la France se gouverne de travers. Elle reste sans réactions correctrices efficaces devant un niveau de chômage insupportable, le sacrifice d’une partie de sa jeunesse, un effondrement de son potentiel de recherche et d’innovation, l’installation durable de poches de souffrances au sein d’une société où le bonheur personnel et familial devient la valeur suprême, la formation de ghettos, le dépérissement de sa mission de co-organisateur d’une Europe de paix, etc

De façon très schématique, deux obstacles majeurs me semblent barrer la route à l’émergence d’une gouvernance en prise sur les événements et un tant soit peu adaptée à l’époque.

-La classe politique a théâtralisé et transformé en combat une opposition Droite/Gauche restée figée sur un contenu de style 1950. Nos dirigeants politiques et nos influents regardent le monde avec des œillères soit de droite soit de gauche. Nos médias de masse incitent les gens ordinaires à en faire autant. Dans ce contexte il est difficile de se faire une représentation de l’environnement et du cours des choses qui corresponde un tant soit peu à la réalité et nous aide à en tirer le meilleur parti.

-La classe politique vit en circuit fermé entre politiciens, journalistes spécialisés et militants et ses œillères l’empêchent de sentir les mouvements et les évolutions de la société des gens ordinaires. Celle-ci, embarquée dans des changements historiques profonds, ne se sent plus représentée par ses politiciens, ne comprend plus leur langue de bois et les rejette. Il n’y a plus de régulation des politiciens par les gens ni des gens par les politiciens. Une telle absence de feed-backs rend la France incapable de voir venir et de s’orienter de façon avisée.

Il y a plusieurs dizaines d’années que le système de gouvernance de la France est bloqué et que ce blocage résiste à toutes les tentatives de réanimation. Chaban-Delmas et Rocard s’y sont cassé les dents.

Mais, depuis quelques mois, les choses bougent. Il me semble qu’un processus systémique s’est mis en mouvement. Il émane de la société des gens mais a éveillé la complicité consciente ou semi-consciente de plusieurs leaders. Rien n’est gagné. Mais, si ce processus devient plus conscient, si des citoyens et des associatifs plus nombreux se mobilisent pour l’alimenter, il pourrait déboucher rapidement sur une rénovation du système de gouvernance de la France.

Quelques manifestations du processus d’ouverture

La société des gens ordinaires appelle un changement radical. La recherche de terrain qu’a conduit L’Ami Public sur la « société rêvée » avait révélé que des Français modernes de toutes tendances politiques rêvaient de l’émergence d’une même société moins mercantile, centrée sur le bonheur, l’épanouissement de la personne, la paix et l’alliance avec la nature.

Les enquêtes en profondeur et les sondages d’opinion de ces derniers mois nous ont montré que le ras-le-bol, le rejet des politiciens et le rêve de rupture étaient plus forts que jamais et devenus dominants. Les électeurs, lassés du jeu artificiel de la classe politique, sont maintenant près des ¾ à refuser de se classer clairement à droite ou à gauche.

Des leaders politiques ont senti cette désaffection et ont perçu l’opportunité de rompre avec un système vermoulu. Ils ont su jouer une complicité avec les gens ordinaires. Et ceux-ci les ont remerciés en leur apportant des résultats de sondages qui les ont propulsés sur l’avant-scène dans leur parti et dans l’ensemble du public.

Tout au long de la campagne, le nombre d’indécis a surpris les sondeurs. C’est que les électeurs devenaient plus nombreux à penser par eux-mêmes. Ils n’avaient pas une opinion prédéfinie sur un échiquier politique imposé par l’habitude ou les dirigeants. Leur choix n’était plus idéologiquement préorganisé. Ils hésitaient et cherchaient leur bon choix personnel pour qu’en France le cours des choses en devenir ait plus de chances de prendre une orientation qui leur convienne.

Ségolène Royal a spectaculairement réussi, au cours de sa campagne, à mettre sur la touche les éléphants du parti socialiste et à amorcer une démonétisation des anciens dogmes. Elle a ainsi donné un nouvel élan à une reconception sur laquelle d’anciens leaders tels Rocard avaient buté. Il se pourrait qu’elle annonce une métamorphose ou un éclatement du vieux PS qui fût un des principaux obstacles à la modernisation de la France. Mais une reprise du manche par les anciens est également possible.

Nicolas Sarkosy a mis sur la touche la « maison Chirac » et la droite figée et sans idées. Il est apparu comme en rupture avec le passé. Il a peut-être la personnalité qu’il faut pour piloter une réelle modernisation des idées de la droite en les ouvrant partiellement sur la gauche. Mais, écoutera-t-il suffisamment la société vivante pour le faire ?

François Bayrou, sur l’idée qu’il faut faire coopérer des tempéraments de droite et de gauche pour inventer la société de demain, a fait un très bon score dans les sondages et dans les urnes. Pourra-t-il constituer un centre radical capable de peser sur les équilibres à venir ?

Les inscriptions sur les listes électorales et le taux de participation au premier puis au second tour ont montré que la politique avait déjà suffisamment changé pour que les électeurs, notamment les jeunes, s’impliquent à nouveau. Les groupes extrémistes, à droite comme à gauche, qui se complaisent dans des idéologies d’un autre temps, ont été laminés. Les trois candidats arrivés en tête au premier tour se réclament tous d’un changement qui replacerait le pays dans la mouvance de son époque.

Quelques idées décisives me semblent en train de faire leur chemin dans l’intuition collective. Bon nombre d’électeurs et de militants socialistes ont compris que pour gagner le parti devait reconstruire sa théorie de la réalité, son programme d’action et ses alliances. De nombreux Français sentent qu’il est primordial de trouver le moyen de ne pas opposer croissance et écologie afin d’inventer une croissance verte. Ils intuitent de même que le combat entre partisans du dynamisme économique et de l’épanouissement humain est une voie sans issue et qu’il faut apprendre à piloter une croissance de la vitalité économique qui s’appuie sur l’épanouissement humain notamment au travail. Les mêmes ou d’autres prennent conscience que le choix entre plus ou moins d’Etat est une querelle dépassée et que le défi réel est d’inventer un nouveau pouvoir et un nouvel Etat qui soient ouverts au dialogue, intelligents et thérapeutes.

Avons-nous envie de peser sur le cours des choses ?

Chacun dans son domaine d’action peut contribuer à l’accouchement d’une meilleure gouvernance. Think tanks et associations citoyennes peuvent s’attacher à découvrir les leviers sur lesquels prendre appui pour contribuer à l’émergence d’une bonne gouvernance et d’une bonne société. Pour nourrir les prises de conscience que je viens d’évoquer. Pour conforter notre nouveau Président dans son désir affiché d’ouverture et d’écoute de tous les Français. Pour aider le parti socialiste à ne pas retomber dans ses anciennes ornières et à ne pas s’engager sur une piste social-démocrate déjà dépassée mais à entreprendre l’effort créatif indispensable pour donner vie à une gauche moderne. Pour aider Bayrou à installer un centre qui soit vraiment radical.

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Commentaires

Bonjour,
Quoique l'on puisse penser de la gauche du PS, son laminage est surtout du au chantage au vote utile. Le piège a fonctionné, et le PS a beau jeu d'affirmer qu'ils ne représentent plus rien. Est-ce si sur ? Et si électoralement leur représentativité a été mise à mal, cette sensibilité politique n'est pas du genre à s'écraser...

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