Un coup d’arrêt à la globalisation ?

Un article très intéressant dans le dernier numéro du Time américain (20 août 2012), d’autant qu’il éclaire deux des thèmes de réflexion que le Club vient de lancer : celui de l'avenir de l'industrie en France, et celui des errements de la finance.

Time annonce en effet l’arrêt de la globalisation, dans un nouveau monde économique fondé sur cinq règles.

- Règle numéro 1 : les banquiers locaux sont les meilleurs. Le recentrage des banques est en route et il était nécessaire. Time cite un chiffre frappant : la finance ne représentait que 11% des profits des entreprises américaines en 1975, mais 30% juste avant la dernière crise. C'est une bonne nouvelle pour l'Amérique, affirme Time : clairement, le discours sur les grandes banques "trésor national" passe moins bien aux Etats-Unis qu'en Europe ou en France ! Les banques vont donc réduire de taille et à nouveau jouer la proximité : deux raisons pour qu’elles fassent nettement moins de bêtises.

- Règle numéro 2 : l'industrie manufacturière, ça compte. Elle va bénéficier du recul de la finance (avec déjà une part de 17,4% du Pnb mondial, la plus élevée depuis 10 ans). Et nous sommes à l'aube d'une nouvelle révolution industrielle, où l'industrie va retrouver son rôle de moteur de la croissance. Les Etats-Unis sont la seconde usine mondiale : une usine qui a fortement bénéficié de l'intervention publique en faveur de l'automobile, d'un dollar plus faible, de salaires plus modérés, et du récent boom énergétique américain. Le journal se félicite de la décision d'Airbus de s'implanter à Mobile, Alabama, et crédite l'industrie de deux avantages : payer des salaires intermédiaires, ni trop bas, ni trop élevés, et engendrer pour chaque dollar de production, 1,4 dollar induit dans le secteur non manufacturier.

- Règle numéro 3 : les emplois industriels montent en gamme. Même en Chine, on remplace désormais massivement les travailleurs non qualifiés par des robots. Ceci engendre de nouveaux emplois et des qualifications que le secteur éducatif ne sait pas produire aux Etats-Unis. Les grands groupes s’appuient donc et s’appuieront de plus en plus sur des partenariats avec des collectivités locales autour de formations spécialisées dans des community college (ou une combinaison high school / community College).

- Règle numéro 4: plus près, c’est plus vite, et plus vite c’est nettement mieux. L'attitude naïve des entreprises face aux risques de la globalisation recule : elles redécouvrent dans la douleur l’exposition qu’apportent des chaînes d’approvisionnement mondiales à une diversité de risques politiques, de catastrophes naturelles, d’image… Elles redécouvrent aussi que les consommateurs valorisent ce qui est proche, et des adaptations précises et rapides à leurs besoins particuliers ; et qu’il est à la fois politiquement correct et économiquement rentable d’acheter une partie de ses intrants à ses clients locaux.

- Règle numéro 5 : les leaders locaux doivent soutenir l'activité locale. Time reconnait tous les dangers d’une concurrence effrénée entre collectivités locales américaines dans leurs subventions ou des réglementations (plutôt des dérèglementations…) destinées à attirer les entreprises sur leurs territoires. Mais Time considère que les avantages l’emportent, en s’appuyant sur une étude McKinsey créditant ce dynamisme des collectivités locales d'une large part de l'écart de croissance entre l'Europe et les Etat- Unis (j’aurais tendance à citer à l’appui de cette thèse des exemples plus anciens, comme la Toscane ou les Marches italiennes, où la concurrence entre collectivités locales voisines étaient véritablement sauvage, et le dynamisme toujours inexplicable, 700 ans après…).

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