Sans industrie, pas d’avenir

070203-industrie.jpgLe « made in Germany » (hergestelt in Deutschland) se vend de mieux en mieux. En 2006, l’Allemagne a regagné ses galons de premier exportateur mondial et l’excédent de son commerce extérieur a dépassé 180 milliards d’euros. Par comparaison, la France fait pâle figure. Les pleurnicheries sur la baisse du dollar et la hausse de l’euro donnent à sourire.

Le décalage entre ces deux grandes économies européennes ne peut s’expliquer uniquement par des raisons conjoncturelles et par une inégale volonté de réforme. La vigueur de l’économie allemande s’inscrit dans la durée. Au lieu de suivre les modes et de changer constamment de priorités, l’Allemagne n’a jamais cessé de privilégier l’industrie ; elle a choisi de s’appuyer sur ses points forts et d’améliorer ce qu’elle savait déjà très bien faire.

Je me souviens, sans pouvoir en préciser exactement la date, d’une réunion au Club Jean Moulin où l’un des esprits les plus brillants de la haute administration française prétendait que la France allait très rapidement surpasser l’Allemagne parce qu’elle était en train de se spécialiser dans les « secteurs d’avenir » alors que l’industrie allemande restait engluée dans ses « activités traditionnelles ». L’homme était très savant mais son raisonnement sonnait faux. N’importe quel profane (même moi !) pouvait pressentir que les industries les plus classiques, si elles investissaient suffisamment en R&D, seraient en mesure de se moderniser et de bénéficier des apports des nouvelles technologies. De fait, les produits allemands, en particulier les biens d’équipements, n’ont jamais cessé de s’améliorer.

En France, les « grands projets » ont parfois été des grandes réussites mais l’argent dépensé a surtout profité aux grandes entreprises. Dans un rapport rédigé en 1993, l’association « Entreprise et progrès » notait que, de 1950 à 1991, « l’Allemagne a fait deux fois plus que la France pour ses petites et moyennes entreprises industrielles ». Logique que celles-ci se soient développées deux fois plus vite, qu’elles aient innové davantage et exporté en conséquence. En dépit de nombreux discours, la tendance, depuis 1993, ne s’est que légèrement infléchie. Encore heureux que les « activités traditionnelles », dans lesquelles la France excelle (par exemple les industries du luxe), n’aient pas été abandonnées. Merci Bernard Arnault. Tant mieux s’il a fait fortune.

Le progrès, en économie se fait rarement par saut. Lorsqu’un pays sous développé veut brûler les étapes, il y laisse généralement des plumes. Comme le disait un Japonais très sage : « Avant de s’acheter un chapeau haut de forme, il faut avoir des souliers ». La Chine, de ce point de vue, peut servir de modèle. Son socle industriel est solide, des étages successifs peuvent s’ajouter à ceux déjà posés. L’Inde, en revanche, commence à s’apercevoir qu’elle a trop misé sur les services et est en train d’infléchir sa politique en investissant massivement dans l’industrie.

Les pays riches où le coût du travail est élevé ne peuvent évidemment négliger les emplois « face à face » non délocalisables. L’industrie est, cependant, seule à même de relever certains défis d’avenir. C’est, par exemple, avec du matériel, et pas seulement du « software », qu’on pourra dépolluer.

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Commentaires

L'Allemagne, puissance exportatrice et puissance industrielle, la Chine, nouveau modèle économique gagnant et l'industrie manufacturière, outil éprouvé de la croissance. Telle est l'équation posée à l'élève France, l'éternel médiocre qui décidément pourrait mieux faire.

Le marché du textile-habillement, à l'avant-garde de l'actualité, (à l'arrière-garde de la modernité industrielle, so called) doit donc permettre de vérifier le théorème.

1/ Il semblerait que la France exporte plus que l'Allemagne ...

La France a exporté en 2006 5,3 Milliards d'Euros d'articles d'habillement (+6%) et 4,3 Milliard d'Euros d'articles textiles (-2%) soit 9,6 Milliards d'Euros face à 15,6 Milliards d'Euros d'importations (+2% pour l'habillement, -2% pour le textile).

En 2005, l'Allemagne avait exporté 8,8 Milliards d'Euros (+5%) et importé 18,3 Milliards d'Euros.

2/ Les débouchés de la France et de l'Allemagne sont presqu'exclusivement européens ...

Si 70% des exportations françaises sont faites vers l'Europe des 25, c'est 80% des exportation allemandes qui sont adressées en Europe.

3/ France et Allemagne ont des échanges commerciaux symétriques et équilibrés...

L'Allemagne est le 5ème client d'articles habillement pour la France (derrière l'Espagne, l'Italie, la Belgique et l'UK) et son 2ème client pour le textile (derrière la Belgique).

La France est le 3ème client d'articles habillement pour l'Allemagne (derrière l'Autriche et les Pays-Bas) et son 3ème client pour les produits textiles (derrière la Pologne sous-traitante et l'Italie).

La France exporte 425 Millions d'Euros d'articles habillement en Allemagne et importe 344 Millions d'Euros d'articles allemands.
La France exporte 463 Millions d'Euros de produits textiles vers l'Allemagne et importe 561 Millions d'Euros de produits allemands.

4/ La France a un effectif industriel supérieur à l'Allemagne, grand délocalisateur ...

L'industrie textile allemande, la deuxième européenne derrière l'Italie avec 16% de la production de l'UE 25, emploie 88.000 personnes (contre 102.000 en 2003, déjà en recul de 9% par rapport à 2002). L'industrie textile française emploie 91.000 personnes dans 1000 entreprises, essentiellement des PME.
Les confectionneurs de l'habillement ont entamé bien avant la France le processus de délocalisation (vers la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Tunisie).

5/ La stratégie française s'inspire des 2 leaders européens, Italie et Allemagne ...

L'Allemagne est leader grâce à son développement dans les textiles techniques, l'Italie grâce à son industrie de l'habillement. D'ailleurs depuis 1996, l'Allemagne n'est plus le premier exportateur en Europe, sa place lui a été prise par ... l'Italie.

La France, performante depuis longtemps dans l'habillement, axe son développement sur les tissus techniques (voir les Pôles de Compétitivité comme UP TEX).

6/L'industrie allemande bénéficie de la taille de son marché intérieur ...

Avec 88 millions d'habitants, l'Allemagne est le premier marché européen de l'habillement( 60 milliards d'Euros soit le quart du marché européen qui est le premier marché mondial).

7/ France et Allemagne sont absentes à l'image de l'Europe de l'investissement industriel depuis 2000 ...

L'UE 25 ne représente plus que 0,3 % des investissements mondiaux en 2005 contre 0,6 % en 2004, ce qui est récent puisqu'ils atteignaient encore pratiquement 3 % en 2000. Seules l'Italie et l'Espagne continuent à investir mais à des niveaux nettement inférieurs (le leader italien est en 2005 à un niveau d'investissement dix fois moindre qu'en 2000). L'Allemagne et la France n'investissent plus.

Aprés l'examen de ces 7 points, on pourra, un peu agacé, m'objecter que comparaison n'est pas raison. Combien cela est vrai ! Combien mon objecteur sera fondé à tenir ce discours.

Les industries textiles de France et d'Allemagne sont à l'image de l'industrie européenne. Elles sont en mutation. Elles tirent profit de leurs atouts, de leurs histoires : elles s'adaptent aux nouvelles donnes de l'OMC.

Bien malin l'arbitre qui pourrait conclure à la suprématie de l'une sur l'autre.

Mais il est vrai qu'il ne s'agit là que d'une courte analyse de l'industrie textile, secteur éminément en crise et certainement tout à fait non pertinent.

J'avoue humblement mon échec à n'avoir pu vérifier le théorème pour l'Allemagne et la France. Je renonce derechef pour la Chine. Il est vrai que les chiffres sont têtus ...

Il est vrai aussi que l’un des esprits les plus brillants de la haute administration française prétendait que la France allait très rapidement surpasser l’Allemagne parce qu’elle était en train de se spécialiser dans les « secteurs d’avenir » alors que l’industrie allemande restait engluée dans ses « activités traditionnelles » ...

http://infonte.over-blog.com/

Il est vrai que le modèle allemand, qui a donné naissance à une forme du capitalisme dit "rhénan", constitue un modèle possible dont la caractéristique est d'être très intégré.

Il y a une production faite "in Germany" qui est ensuite exportée en priorité vers d'autres pays européens à niveaux de vie assez voisins puis vers des pays du reste du monde dont les niveaux de vie peuvent être très différents.

La notion d'entreprise "allemande" a encore du sens.

Par contre le modèle du "made in World", plutôt porté par les pays anglo-saxons est celui qui a le vent en poupe. C'est celui de l'entreprise de plus en plus "désintégrée". Il est né en Angleterre au XVIII° siècle dans un pays qui a commmencé à disposer de très vastes colonies, riches et peu chères et qui, de plus, a toujours été tourné vers l'extérieur, tourné vers la Mer.

Les histoires et les cultures ne sont pas les mêmes...

Aujourd'hui la production en Chine ou en Inde à remplacé celle des merveilleuses porcelaines.

Je suis, à titre personnel, assez sceptique sur le discours ambiant qui prêche l'idée que le seul avenir possible pour nos anciens pays riches soit de faire uniquement de l'immatériel et que la production traditionnelle n'a plus d'avenir.

Le terme de "haute valeur ajoutée", cela ne veut pas dire grand chose si ce n'est la capacité de pratiquer de très fortes marges commerciales. Lorsque la Compagnie des Indes allait s'approvisionner en merveilleuses porcelaines et en épices nouvelles, la valeur ajoutée pour ladite Compagnie résidait dans sa seule capacité à trouver ( inventer ) ses productions locales réalisées à un faible prix local et à les transporter, le moins cher possible, vers les docks de Londres où la population des riches banquiers (créateurs de monnaie tout autant que de richesse) pouvait facilement les payer à un autre prix local mais beaucoup plus élevé, celui de Londres.

La valeur ajoutée dégagée était phénoménale et le secteur de la Compagnie des Indes se trouvait un bien grand avenir !

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