Réflexions sur le mal logement

Après ma critique de l’augmentation de 30% des droits à construire annoncée par Nicolas Sarkozy, je réagis au texte que Roger Fauroux avait publié en juin 2010 sur le problème du logement en France.

En tant qu’architecte, urbaniste et citoyenne, je partage presque intégralement son analyse dans la tribune "En finir avec le mal logement".

Je suis cependant sceptique sur ce qu’il attend du droit de préemption des maires et des préfets (droit pour la puissance publique de s’interposer entre le vendeur et l’acheteur d’un terrain et d’acheter à la place de celui-ci). Sauf s’il entend remettre sérieusement en cause, en matière de foncier « le droit sacro-saint de propriété ». Pour le moment le droit de recourir à la préemption est fortement encadré et les propriétaires usent dans 80% de leur droit de retrait (quand la ville annonce qu’elle préempte ils décident de ne plus vendre). De plus cette préemption s’exerce, en principe, au prix du marché, évalué par les domaines. Si on veut faire baisser le prix du foncier il faut soit déroger à cette règle soit trouver les moyens financiers pour que les villes revendent moins cher qu’elles n’ont acheté.

Il faut enfin avoir en tête que toute intervention forte des villes sur des enjeux financiers aussi considérables crée des tentations terribles. Songez à ce qui s’est déjà passé dans des  villes comme Levallois avec les législations actuelles… Souvenez-vous des nombreux scandales impliquant le monde politique et celui de l’immobilier qu’ont généré certaines ZAC (Zones d’aménagement concerté).

Par contre l’Etat pourrait accélérer le processus de construction et donc en abaisser le coût en simplifiant l’empilement de textes qui encadrent le droit à construire, code de l’urbanisme, code civil (qui gère notamment les droits de vue et d’ensoleillement), PLU (Plan local d’urbanisme) ou POS (Plan d’Occupation des Sols) voir règlement de lotissement. Si l’on veut densifier, il est impératif de revoir l’ensemble de ces droits pour les coordonner. Sinon des idées comme l’augmentation de 30% des droits à construire deviennent rapidement inopérantes.

Parallèlement l’Etat devrait rechercher les moyens de limiter les recours qu’exercent beaucoup trop systématiquement les riverains et ce malgré la menace de se voir condamner pour procédure abusive.

D’autre part - au risque de choquer - je pense que si on veut encourager plus de propriétaires à investir pour louer ou simplement à mettre en location des logements vides ce qui contribuerait à abaisser les loyers, il faut s’interroger sur la protection excessive des locataires ou même des squatters plus que sur des avantages fiscaux. Il faut parfois plus de cinq ans à une ville pour obtenir du préfet et des forces de police qu’ils vident un immeuble squatté (j’ai vécu cet exemple). Imaginez ce qu’il en est pour un particulier. Un locataire qui ne paye pas peut réussir à s’accrocher plusieurs années sans crainte de se voir lourdement condamner. Nous avons tous des exemples autour de nous. A l’inverse, quand des formes de locations plus flexibles s’organisent (location en meublé par exemple) on s’empresse de les encadrer ou de les limiter pour imposer aux propriétaires les mêmes contraintes juridiques que s’ils louaient en vide.

Il faut fluidifier le marché. Trop de protections et de législations aboutissent à le bloquer.

Enfin, en tant qu’urbaniste, je suis, comme Roger Fauroux, très favorable à cette mixité qui résout à la fois des problèmes de logement et des problèmes de sociétés. J’aime beaucoup la réaction de cette femme à qui il a permis de constater que « les riches n’étaient pas plus c…que les pauvres ». Aussi j’irais plus loin que la disposition annoncée par François Hollande s’il est élu. C’est par dix que je multiplierai le montant de l’amende imposée aux villes qui ne respectent pas le quota de logements sociaux … mais je limiterai aussi le droit à construire des logements sociaux dans celles qui le dépassent largement.

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Commentaires

L'un des problèmes financiers que pose l'achat voire la préemption est qu'elles nécessitent toutes la mobilisatin intantanée d'une grosse masse de capital.

Il existe pourtant une autre voie qui a été semble-t-il abandonnée depuis longtemps, c'est celle de faire une "cession de droit d'usage" pour une longue durée sous forme d'un bail amphithéotique.

Cette formule a été utilisée en France par de grands propriétaires fonciers historiques qu'étaient les ordres hospitaliers.

Elle est aussi utilisée par certaines villes, à l'étranger, qui sont aussi confrontées à un besoin de foncier à prix de revient instantané compatible avec leurs moyens financier limités ...

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