Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Intérieur

070613-Police.jpgDans une autre vie, plus précisément en l’année 1962, je fus le commissaire de police d’Oullins, dans la banlieue de Lyon, ville considérée comme difficile à l’époque et qui l’est peut-être toujours aujourd’hui.

Or, à l’occasion de la dernière campagne présidentielle ont ressurgi ces notions de prévention et de police de proximité que nos politiques ressortent pour cacher leur impuissance à rétablir la République dans les quelques quartiers qu’ils ont laissé se transformer en ghettos religieux ou communautaires.

Pire, un rapport décrivant une situation d’antagonisme violent entre la police et la population de la Seine-Saint-Denis, inciterait peut-être à donner l’indépendance à ce département.

Certes, nous avons la police la plus nombreuse d’Europe, mais avec des policiers recrutés à des niveaux tels que le concours de gardien de la paix interdit maintenant aux populations peu instruites d’avoir accès, comme à la Libération, à l’ascenseur social qu’était alors la police.

Comment dialoguer et apaiser des conflits quand les protagonistes ne parlent pas le même langage ou n’ont pas eu un vécu commun ?

Vous voulez rendre la police plus proche de nous et faire respecter la République sans coûts ni recrutements supplémentaires ?

Prenez donc en compte ce qui suit :

1 – L’Omerta dans les quartiers :

Qui parle, ou qui a été vu parlant à un policier est « socialement mort ».

Les seuls visiteurs des Commissariats des quartiers dits sensibles sont les seuls plaignants, et encore, la peur est également présente dans ces cas de figure. Le seul avantage de cet absentéisme est de faire baisser les statistiques de la délinquance.

Alors comment rétablir le contact des citoyens avec la Police ?

Madame la Ministre de l’Intérieur devra négocier avec les syndicats de police le retour dans les commissariats des citoyens qui viendront retirer leurs cartes d’identité ou passeports, leurs convocations que les différentes administrations (finances, sécurité sociale, etc…) auront demandé au Commissariat de faire parvenir à leurs destinataires.

Bien sûr ce sont des tâches qui ont été déclarées « indues » en leur temps, mais comment renouer un dialogue avec la population des exclus sans leur faire courir le risque d’être considérés comme des « balances » ?

2 – La présence visible des policiers pour la prévention :

Il suffit de remettre les gardiens en uniforme sur leurs trajets domicile - commissariat (la plus grande difficulté actuelle dans la construction des locaux de police étant de prévoir de grandes surfaces pour accueillir les vestiaires des policiers).

A la Libération, les agents pouvaient justifier leur dénomination de gardiens de la paix car ils sillonnaient les rues en uniforme pour rentrer chez eux à pied ou dans les transports en commun.

3 – Police de proximité vraiment ?

A condition que les Maires et les bailleurs sociaux acceptent de favoriser l’attribution de logements, éventuellement en co-location, pour les policiers célibataires, auprès ou dans les cités considérées à risques, et pour les autres, des logements pour leur famille, dans la circonscription même de leur affectation.

4 – Et la répression ?

Elle ne peut s’exercer, utilement que grâce à l’adhésion d’une population rassurée, ramenée dans les sentiers de la République et qui pourra désigner sans risques ceux qui la maintienne actuellement dans l’acceptation d’une loi qui n’est pas la nôtre ni la leur.

La répression pourra alors s’appliquer exactement là, où et quand il le faut, par des enquêteurs spécialisés et discrets, évitant ainsi des déploiements de force aussi spectaculaires qu’inefficaces.

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Commentaires

Comme vous le soulignez si bien, nous avons la police la plus pléthorique d'Europe et pourtant l'efficacité n'est pas au rendez-vous. Que ce soit en terme de violences aux personnes, en territoires "délaissés" et soumis aux lois de la "racaille"...

Or, la police est certes là pour élucider les crimes et délits. Elle est là aussi et, serais-je tentée de dire, surtout pour rassurer et protéger. Ce qui est le meilleur moyen, peut-être, de prévenir et d'empêcher les comportements délictuels et criminels. Rassurer suppose une présence visible et bienveillante.

L'exemple britannique est à cet égard exemplaire. Les policiers sont moins nombreux. Ils ne sont pas armés, au contraire des policiers français. Et lorsque vous vous baladez à Londres, quel que soit le quartier, vous rencontrez la silhouette rassurante et visible de loin grâce à un gilet vert fluo d'un ou deux "Community police" - cette mention est portée sur le dos -, marchant paisiblement. Ces policiers de proximité rassurent, informent, préviennent des débordements... Londres apparaît ainsi plus rassurante que Paris où certains quartiers connaissent un trop plein de présence policière quand d'autres sont complètement négligés. Que dire alors de certaines communes ou départements tel le 93 où le manque d'effectifs est patent.

Cela pose le problème de l'affectation des effectifs selon les besoins. Mais c'est surtout la "qualité" rendue qui est en jeu, notamment dans les quartiers difficiles qui abritent certes des voyous mais dont la majorité de la population, jeunes et moins jeunes confondus, souffre de ces mêmes voyous. Comment voulez-vous contenir les voyous si le comportement des policiers - contrôles d'identité au faciès et répétés, brutalité, "irrespect"... - ne fait pas la part des choses entre les voyous et le reste de la poulation, surtout les plus jeunes ? Mettre dans le même sac les voyous et les autres, c'est donner une prime aux premiers. Pire encore, cela peut leur permettre d'élargir leur cercle en intégrant des jeunes las d'être confondus avec eux, selon l'adage : puisqu'on me prend pour un voyou, je vais l'être jusqu'au bout.

Cette qualité du service rendu sera améliorée, comme vous l'affirmez à raison, par l'établissement d'une réelle police de proximité. Cette notion n'est ni de gauche, ni de droite. Ce sera un premier pas vers la réconciliation des Français avec leur police et, pour la République, un des moyens pour reconquérir les territoires perdus.

Les syndicats policiers devraient rompre avec une approche "ramboïsée" qui n'a de plus pas eu les effets escomptés. Il y va de la paix sociale dans ce pays.

Pour aller dans le sens de Louise, j'évoquerai une scène vue à Londres : un policier qui plaisantait avec un homme sandwich.
Je ne me souviens pas d'avoir vu une seule fois un policier français plaisanter avec un piéton. Ni même lui parler d'ailleurs s'il n'avait pas commis d'infraction.

Pour compléter le post de Fabrice (et de Louise) même scène vue à Rome, mais c'est vrai rien en France...

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