Les incorruptibles n’existent pas

071025-Corruption.jpgSelon la dernière enquête de PwC, parue dans la Tribune du 17 octobre,  43% des 5400 entreprises interrogées dans 40 pays se disent victime de fraude. Au total, la criminalité économique déclarée aurait engendré 3,1 milliards d’euros de pertes. Le coût moyen de la fraude par entreprise est de 1,6 millions d’euros. La perte est sèche dans 62% des cas. La fraude est constituée de détournement d’actifs (33%), contrefaçon (15%), et corruption (13%).


La France est mauvais élève. Pour l'ONG Transparency International, notre pays stagne dans sa lutte contre la corruption, et siège à la 19ème place sur 90 pays dans son classement de perception de la corruption. Ainsi, selon Roger Lenglet (1), auteur de « Profession Corrupteur », la corruption coûterait 30 milliards d’euros à la France, soit ¾ du déficit annuel de l’Etat.

Qui en sont les auteurs ?

Parmi les métiers qui usent sans vergogne de ces pratiques illégales, il place au premier rang le lobbying - « le lobbying sans la corruption, ce n’est plus rien » affirme-t-il -, les agences de renseignements ou de sécurité privées.

Respecté et admis aux Etats-Unis, le lobbying n’a cessé de renvoyer une image pour le moins sulfureuse en particulier en France.  L’activisme des cabinets de lobbying, dans les années 80 et 90, pour minimiser des scandales sanitaires comme celui de l’amiante n’y est sans aucun doute pas étranger. Mais les dérives de certains ne doivent en aucun cas occulter l’importance d’un lobbying plus "positif" notamment à Bruxelles où la France est nettement sous représentée. Car la corruption ne plonge pas ses racines dans une profession (lobbying ou autre) mais bien dans un état d’esprit. Et c’est cet état d’esprit qui doit être modifié avec des moyens appropriés.

Que faire contre la corruption ?

Roger Lenglet explore quelques pistes :

- Promouvoir le rôle des militants associatifs qui mettent leur nez partout et fouillent avec opiniâtreté jusqu’à dénicher des « affaires ».
- Renforcer la loi, avec par exemple la proposition de l’association Anticor (2) consistant à rendre inéligible à vie tout décideur politique qui aurait été jugé coupable de corruption, et d’interdire, pendant une certaine durée, tout marché public à toute entreprise corruptrice.
- Accélérer l’adoption par la France de la Convention de Mérida (2005) qui s’attaque à la corruption des agents publics étrangers et comporte tout un arsenal préventif et répressif à l’échelle internationale.

Ces solutions, concrètes et raisonnables,  sont entre les mains des législateurs ! Sans doute ceux-là mêmes qui sont la cible des corrupteurs !

Mais ce n’est pas si simple.

Eva Joly, ancien juge d’instruction au pôle financier, rappelle, dans Télérama du 26 octobre 2007, les liaisons dangereuses que la France entretient avec certains pays africains dont elle soutient les dirigeants corrompus au nom des intérêts économiques de ses entreprises. Elle déplore plus généralement la complaisance "française" avec les malversations financières.

Rue89 confirme et renchérit : « les moyens consacrés à la grande délinquance financière n'ont cessé de diminuer. Baisse d'effectifs dans les brigades spécialisées, pressions diverses sur les juges du pôle financier et enfin cette déclaration étonnante du président de la République devant les patrons du Medef, le 30 août dernier: "La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme". »

Comme le dit Roger Lenglet « les incorruptibles seraient exceptionnels » !

Sources :

(1) On pourra lire avec intérêt la biographie de Roger Lenglet, philosophe et journaliste d’investigation. Son parcours est très intéressant. http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Lenglet

(2) Anticor, association à laquelle appartient Roger Lenglet et le juge Eric Halphen, et présidé par Séverine Tessier http://anticor.wordpress.com/

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