Les dangers de l’intelligence

Jouvent.jpgProfesseur de psychiatrie au CHU Pitié-Salpétrière et Directeur du Centre Emotion – UMR CNRS 7593 "Vulnérabilité, Adaptation et Psychopathologie" - Université Paris VI à La Salpétrière, Roland Jouvent est intervenu, mercredi 6 décembre, sur le thème : " Les dangers de l’intelligence ". Réalités complexes, virtuel omniprésent, le cerveau s’adapte. Pour le meilleur comme pour le pire, selon Roland Jouvent qui s'efforcera de partager avec nous ses préoccupations.

Docteur en médecine depuis 1981, il occupe un poste de chef de clinique assistant de psychiatrie à l'hôpital de la Salpêtrière, après avoir bénéficié d'un poste d'accueil de l'Inserm pendant deux ans. Recruté, en 1986, au CNRS au grade de DR2, il y anime une équipe dans l'unité Inserm dirigée par D. Wildlöcher. En 1993, il crée sa propre équipe postulante au CNRS (Psychobiologie des tempéraments à risques), qui se transformera par la suite en une unité de recherche associée puis en une unité mixte du CNRS intitulée "Personnalité et conduites adaptatives".

D'octobre 1995 à février 1999, Roland Jouvent est détaché comme professeur de psychobiologie à l'Université Denis-Diderot Paris 7. Il crée alors un module de neurosciences cognitives et comportementales et un demi-DEA de psychopathologie fondamentale. En 2000, il rejoint la Faculté de Médecine de Pitié Salpêtrière comme Professeur de Psychiatrie.

Les travaux de Roland Jouvent sont depuis longtemps centrés sur l'approche clinique et expérimentale des régulations émotionnelles, en particulier dans le domaine de la dépression et celui des troubles addictifs. Ses recherches ont d'abord porté sur le ralentissement psychomoteur comme noyau organisateur de la sémiologie de la dépression. En psychopharmacologie, il a mis en évidence, pour la première fois, les effets anti-dépresseurs des stimulants beta-noradrénergiques et, en miroir les effets anti-maniaques de la clonidine, antagoniste noradrénergique.

Parallèlement, il a mis au point des instruments d'évaluation clinique, notamment une échelle d'humeur dépressive, qui a permis d'établir l'hétérogénéité symptomatique des dépressions. Ces derniers travaux ont mis au jour le caractère composite des dysfonctionnements cognitifs et émotionnels des déprimés, donnant ainsi accès à une meilleure compréhension des symptômes et de leurs traitements.

Roland Jouvent a introduit le concept d'approche transnosographique, qui était précurseur d'un renouvellement de la psychiatrie biologique. Ouvrant la porte sur une compréhension physiopathologique des effets des psychotropes, cette approche devait par la suite permettre d'appliquer les modèles des neurosciences cognitives à la psychiatrie. La création d'un laboratoire spécialisé dans l'étude des facteurs de vulnérabilité à la dépression et aux dépendances s'inscrit dans la suite de ces travaux.

Se tournant ensuite vers l'étude des traits de vulnérabilité à la dépression et aux addictions, il met en évidence les caractéristiques physiologiques et cognitives liées à des traits comme l'anhédonie (absence de plaisir) et l'anxiété. En particulier, certains dysfonctionnements perceptifs (auditifs, visuo-vestibulaires) qui pourraient favoriser la survenue d'états dépressifs et/ou anxieux. C'est sur la base de ces dernières données scientifiques que Roland Jouvent développe maintenant avec son équipe de nouveaux outils thérapeutiques utilisant les nouvelles technologies de l¹information et de la communication : thérapies en réalité virtuelle, réhabilitation cognitive sur ordinateur, biotechnologies informatiques.

L'activité scientifique de Roland Jouvent se traduit par la parution de plus de 190 articles dans des revues scientifiques de notoriété internationale, plus de 173 communications et de nombreux ouvrages seuls ou en collaboration. L’ensemble de ses travaux lui a valu la médaille d'Argent du CNRS en 2000.

Roland Jouvent participe, d'autre part, à la gestion de la recherche et à des expertises.

Membre de la section 29 du Comité National du CNRS, de 1995 à 2000, il a également présidé et assuré la coordination de l'expertise du CNRS sur "Dopage et pratiques sportives". Il a été membre du conseil scientifique de l'ACI « Cognitique » du Ministère de la Recherche, et membre du conseil scientifique de l'action "Prévention des conduites à risques chez les jeunes" du ministère de la Jeunesse et des Sports. Président du Conseil d'Orientation Scientifique du Laboratoire National de Dépistage du Dopage, Roland Jouvent préside également le programme de recherche CNRS-ASO sur le Dopage. Il est membre de la nouvelle commission « Suivi psychologique des sportifs » du ministère de la Jeunesse et des Sports.

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Commentaires

Le professeur Roland Jouvent nous a montré que le troisième tiers de notre cerveau (le cortex) est un tiers plus gros que les deux autres mais qu'il est aussi très différent.

Il héberge en quelque sorte le "logiciel" qui fait de nous des êtres dits "intelligents". Comme tous les logiciels il peut comporter des "bogues" ou héberger des "virus". Il peut hélas aussi être "trompé"…

Il possède aussi une capacité fondamentale d'auto-apprentissage qui est à la fois la meilleure et la plus risquée des propriétés...

La propriété la meilleure car elle nous permet de sortir de nos réflexes ancestraux, très rapides mais brutaux, qui sont gravés "en dur" dans le tiers reptilien et le tiers limbique. C'est elle qui autorise l'éducation et utilise le mécanisme de l'apprentissage seule source de progrès. Cette part de notre cerveau est en quelque sorte le siège de notre "culture d'humain".

La propriété la plus risquée, car s'il ressemble au logiciel, il dépend donc de ce qu'a voulu en faire son auteur ( parents, environnement, éducation, culture,...).

Le professeur Roland Jouvent a mis en évidence qu'il peut aussi, comme les logiciels et les ordinateurs, comme les acteurs de l'Internet, être "leurré"... La possibilité d'illusion à grande échelle semble donc avérée et cela présente un potentiel de risques pour l'aventure humaine.

Les risques positifs sont bien connus mais les risques négatifs viennent de notre récente meilleure connaissance des processus neurocognitifs.

Cela pourrait nous rappeler le scénario d'un film d'anticipation nommé MATRIX qui imaginait une humanité future dans laquelle les "machines de savoir " auraient pris le pas sur les personnes.

Ainsi, les esprits des hommes y étaient "programmés" et les cerveaux se voyaient colonisés par des logiciels externes, réalisés par les nouveaux maîtres " les machines de savoir" capables de leurs télécharger des rêves et des comportements, en en faisant des sortes de "zombies".

Forme d'humanité inquiétante que les nouvelles connaissances sur le cerveau rendent plus vraisemblable sinon plausible…

HPS

Quelles belles perspectives cet exposé nous offre.
Le professeur Roland Jouvent a plusieurs fois comparé la cartographie de notre cerveau à un ordinateur, avec ses mémoires , ses réseaux, etc .. .
Travaillant dans la Prospective, je me demandais si un jour , on serait capable de connecter cet ordinateur cerveau à l'ordinateur PC !! .
Car si tel était le cas on pourrait imaginer de downloader de son vivant toutes les connaissances acquises dans une vie pour les stocker et les transmettre aux générations suivantes . Cela permetrait dans une vie d'homme, de faire progresser encore plus vite la recherche et peut etre anticiper des découvertes majeures.

Et de la même façon, on pourrait imaginer transférer des fichiers d'un ordinateur PC à l'ordinateur cerveau. On pourrait par exemple apprendre instantanément une langue vivante et son vocabulaire

Et si l'homme , en travaillant sur le cerveau, redécouvrait petit à petit ce qu'il a lui meme élaboré en inventant l'ordinateur!

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