Le défi allemand

081120-DefiAllemand.jpg« Le défi américain » écrit par Jean-Jacques Servan-Schreiber a été, en 1967, un immense best seller. On s’aperçoit aujourd’hui qu’il reposait partiellement sur une idée fausse. Selon J.-J. S.-S., les Etats-Unis, grâce à leurs investissements à l’étranger, étaient en passe de conquérir le monde. Il négligeait le fait que cette conquête avait son envers. Les entreprises américaines créaient des emplois ailleurs que dans leur pays d’origine où des pans entiers de l’industrie tendaient à disparaître.

A l’époque, la Grande Bretagne suivait la mode américaine tandis que la France avait l’insigne bonheur d’avoir des chefs d’entreprise qui, à l’échelle du monde, étaient des provinciaux. Ces « gagne petits » ne voyaient pas où ils pourraient investir hormis dans leurs propres usines. Du coup, la croissance économique française était presque le double de la croissance économique anglaise 

Depuis la fin des années 70, les « grands patrons » français, issus, pour la plupart, des « grandes écoles » françaises, ont cru bon de « voir grand » : ils consacrent l’essentiel des profits de leurs entreprises à des investissements à l’étranger 

Seuls les Allemands ont résisté à la mode. Leurs entreprises industrielles exportent des produits plutôt que des capitaux. Ils privilégient les délocalisations, notamment en Europe Centrale qui, pour l’essentiel, n’affectent pas leur cœur de métier.  

Les raisons du décalage sont multiples mais l’une d’entre elles – et sans doute pas la moins importante – tient au recrutement des dirigeants d’entreprises. En Allemagne, ce sont des techniciens plutôt que des financiers. Ils viennent « de l’intérieur de la boîte » au lieu d’être parachutés.

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Commentaires

Sur la comparaison entre la France et
l'Allemagne, cher Marc, et la condamnation des patrons "parachutés" ou issus de nos "grandes écoles". Le
"Cercle de l'Industrie" a été créé en 1993 ; il regroupe quelque vingt-cinq des plus grands groupes industriels français ; il se donne pour ligne de conduite de défendre l'industrie française ; peut-être faudrait-il l'entendre avant de condamner les patrons français.

Mais la vérité est que la France n'aime pas son industrie, alors que l'Allemagne ne pense qu'à ça ; il suffit de lire un ouvrage de géographie destiné aux élèves du secondaire et traitant de questions économiques pour s'en convaincre, ou, mieux encore, de comparer les propos et les actes du dernier dirigeant d'un gouvernement socialiste allemand avec les propos et les propositions des derniers dirigeants de notre parti socialiste.
Cordialement

En ce qui concerne l'industrie, vous avez, cher Raymond Levy, évidemment raison en ce sens que l'Allemagne aime son industrie et cela joue beaucoup.

Je note, cependant, que les grandes entreprises françaises (que ce soit dans l'industrie ou dans les services) ont multiplié (avec succès) les implantations dans le monde alors que les entreprises allemandes ont, me semble-t-il, privilégié l'exportation.

Un pays peut aimer ou pas son industrie.
Inversement, l'industrie peut se faire aimer par son pays.
Et là, force est de constater que l'industrie allemande a toujours fait beaucoup - salaires élevés, temps de travail réduit, formation, responsabilisation des travailleurs, etc.
Ce qui explique, en partie, que l'industrie allemande est compétitive car sa puissance profite au final à tous.

François Michelin disait que sans les freins de l'administration, sa société aurait été mondiale 20 ans avant.

Les gaullistes et les marxistes ont toujours été alliés en matière étatique et amour des nationalisations, et on a vu les résultats chez Renault et Air France qui ont été ruineuses jusqu'à privatisation... et tant d'autres.

Ne parlons pas des conséquences ahurissantes de la culture de la grève chez SNCF et le port de Marseille .

La refondation du capitalisme que prône la France est un habillage démagogique pour s'attirer les grâce de Madame Michu, mariée avec Jo le plombier.

Des règles, oui mais pas des carcans.

Jacques

Mon cher Marc,

Je crois que tu as raison de mettre le doigt sur des comportements culturels qui sont, sans doute pour part, à l'origine des difficultés que les mondes économique et financier rencontrent. En effet, il y a bien maintenant bien deux mondes distincts dont les finalités sont différentes et qui sont devenues contradictoires au lieu d'être synergiques ...

Le monde économique se bat pour avoir accès à l’argent qui lui est seulement utile pour fonctionner au quotidien et le monde financier se bat pour faire sortir de l’économie le plus d’argent possible à son seul profit et n’en laisser que le moins possible dans le cycle économique productif !

Par ailleurs, il est devenu plus « smart » et « intelligent » en société de s’occuper de choses abstraites et intellectuelles plutôt que de s’occuper de choses concrètes et matérielles…
Les dirigeants des entreprises d’aujourd’hui ne sont plus que rarement des « entrepreneurs » : ils ne sont plus que des « managers » qui ont appris, pour certains, le comment des choses dans les « écoles » que tu stigmatises.

Nous avons sans doute oublié des réalités historiques.

Lors de la conquête de l'Ouest américain et la course vers l'or, chacun sait que les seuls entrepreneurs qui ont fait durablement fortune sont, non pas les chercheurs d'or, mais... les fabricants de pelles et de pioches !

L'économie allemande a choisi d'être celle des fabricants des "pelles et des pioches" pour les autres économies qui, souvent, sont devenues celles des « chercheurs d’or ». Elle s'est inscrite sur un segment très fondamental des besoins et non sur l'écume fluctuante des modes. C'est cela qui est la marque d'une différence culturelle avec d'autres.

Pour ma part, moi qui m’intéresse aussi au concept et la réalité des « processus » dans les organisations humaines, je n’ai pas été étonné de découvrir que l’Allemagne a intégré cette approche depuis longtemps dans les entreprises. D’ailleurs, c’est une entreprise de progiciel allemande, IDS, créée par un professeur d’université, le professeur Scheer (…) qui est le leader mondial sur ce sujet !

Beaucoup de pays ont préféré développer chez eux une industrie de la "mode" et de la "surface" et ne pas s'occuper des activités premières, celles où on a toujours, un peu, à "mettre la main à la pâte".

Le domaine de la finance, par son hypertrophie autocentrée, a fini par se comporter comme certaines plantes qui, en se développant à l’excès à partir d’autres, en arrivent à étouffer leur propre substrat ...

Quant au dilemme entre
-« faut-il se développer principalement et durer sur son marché national » en ne mettant sur le marché mondial que l’excès de ses propres productions au titre des échanges internationaux ou seulement des productions qui n’ont aucun marché intérieur, et
-« faut-il n’avoir qu’une activité déclinante sur son marché national et ne durer que par le développement et la production non domestique »,
il reste l’un des sujets graves qui n’a reçu que des réponse idéologiques sans qu’aucune simulation et modélisation sérieuses n’aient encore été réalisée, pour en mesurer les conséquences !

Si d’ailleurs elles avaient existées, peut-être n’en serions nous pas à parler de cette crise sans que certains ne l’aient pas vu (ou voulu voir) venir !

Voilà un beau sujet d’économie pour l’un de nos prochains petits-déjeuners…

@ Fabrice : J'apprends que les personnels de l'industrie allemande sont mieux payés que les nôtres, et ont une durée de travail plus faible.

Pourriez-vous nous communiquer des statistiques récentes et FIABLES sur ces deux points ? Bien entendu, la durée du travail doit s'entendre sur celle d'une vie humaine si l'on veut que le mot "durée" ait une signification économique.

Il est remarquable en effet que l'on ne s'intéresse en France qu'à la durée du travail sur une échelle de court-terme comme la journée ou la semaine, par exemple. Cette grandeur est "un" indicateur mais ne représente pas vraiment l'énergie physique ou intellectuelle dépensée par l'acteur économique.

En effet, que dire de l'indicateur "intensité du travail" ? Cet indicateur n'est pas du tout pris en compte dans les mesures économiques et on suppose, faussement, qu'il a la même valeur pour tous. Ce qui est évidemmemnt une erreur !

GM

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