La NSA persiste et signe

NSALe vote, en catimini, d’un "Pariot Act" français continue de susciter des réactions indignées. Il est utile dans ce contexte de rappeler ce qui se passe aux Etats-Unis avec la NSA et son insatiable besoin de tout écouter, de tout contrôler.

Prenons le document sobrement intitulé "SIGINT Strategy 2012-2016" *, émanant de la NSA, et énumérant de manière très claire les ambitions de ce puissant organisme pour les années à venir. Ce document TOP-SECRET - jusqu'à sa révélation récente par le Washington Post - est destiné aux "5 eyes" signataires de l'accord UK-USA : États-Unis, Australie, Canada, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande.

Pour faire court, il y est question de suprématie mondiale dans le domaine du numérique, par tous les moyens possibles. En voici quelques extraits particulièrement éloquents, et qui ne laissent aucun doute sur la démarche adoptée :

- Sur la maîtrise globale du numérique, partout et envers tous :

"1.1. (U//FOUO) Through advanced tradecraft and automation, dramatically increase mastery of the global network"

"2.2. (TS//SI//REL) Defeat adversary cybersecurity practices in order to acquire the SIGINT data we need from anyone, anytime, anywhere "

- Sur la guerre menée contre la cryptographie (guerre = par tous les moyens) :

"2.1.2. (S//REL) Counter the challenge of ubiquitous, strong, commercial network encryption"

"2.1.3. (TS//SI//REL) Counter indigenous cryptographic programs by targeting their industrial bases with all available SIGINT and HUMINT capabilities"

"2.1.4. (TS//SI//REL) Influence the global commercial encryption market through commercial relationships, HUMINT, and second and third party partners"

On le voit clairement, il ne s'agit plus d'un alibi plus ou moins tangible de lutte contre le terrorisme, mais bel et bien de suprématie mondiale. Les moyens suggérés, notamment HUMINT (renseignement humain, recrutement, manipulation, influence...) pour mettre en défaut les algorithmes et logiciels de cryptographie commerciaux et open-source (les "indigenous cryptographic programs"), quitte à biaiser le marché mondial dans ce secteur, ne peuvent que laisser songeur. Certes, il s'agit d'une agence de renseignement, et elle ne fait "que" son métier, mais certaines limites ne sont-elles pas en passe d'être franchies ?

Il est également important de rappeler que l'accord "5-eyes" intègre le Royaume-Uni, membre de l'UE, qui pour le coup est contraint de mener un double jeu, se trouvant de facto à la fois vassal des USA, et en avant-poste puisque établi au sein de l'Europe.
Ce document date de février 2012. À l'époque, l'affaire PRISM n'avait pas éclos, et hormis les spécialistes en sécurité qui soupçonnaient fortement ce type de pratiques, nul ne semblait croire à de pareilles dérives. Il semble désormais, au vu des documents qui sont publiés semaine après semaine, que rien n'est désormais plus à écarter.

* Lire le document : nsa-sigint-strategy-2012-2016

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En 2014, réclamons un vrai Parlement européen : les eurodéputés doivent être dotés d'un pouvoir direct d'initiative législative.

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