L’alibi de l’impuissance publique

Plus ça va mal, plus il devient urgent de réagir. De ce point de vue la France, hélas !, est en avance puisqu’elle ne dispose pas de beaucoup de temps. Sa trop longue malgouvernance peut servir de repère : même si le dysfonctionnement est moindre dans d’autres démocraties, aucune n’est totalement indemne.

Depuis des décennies, les gouvernements français se sentent impuissants. Des ministres se plaignent. Le mieux qu’ils puissent espérer est d’accoler leur nom ? une loi qui, de décrets d’application en règlements et circulaires, se perdra dans les sables de la complexité. Dans ce parcours décourageant, le moment le plus gratifiant sera celui où « l’effet d’annonce » permettra de « communiquer ». La suite sera, le plus souvent, décevante. Les ministres le savent et dissertent sans fin de « l’impuissance publique ».

Certains mettent en cause la mondialisation. « Comment, disent-ils, les gouvernements nationaux pourraient-ils agir alors que les principaux leviers de l’économie leur échappent ? » D’autres mettent l’accent sur « l’égoïsme, le corporatisme, la frilosité de citoyens qui refusent de faire passer l’intérêt général avant leurs intérêts particuliers ». Triste mais irréelle complainte ! Nostalgie d’un temps où les chefs de gouvernements pouvaient se permettre de tout organiser d’en haut.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’imposer des « solutions » mais de mettre en œuvre des forces qui annuleront le problème. Il s’agit d’intégrer le fait que la démocratie ne peut plus se contenter d’élections périodiques alors qu’en économie, le marché évolue ? chaque instant et que la communication est instantanée. Il s’agit, d’ouvrir des fenêtres, de desserrer des freins, de donner ? chaque citoyen des marges d’initiatives qui lui permettent d’exercer des choix et de s’impliquer dans leur réalisation.

Au lieu de pleurer sur le déclin des pouvoirs publics, les leaders de demain devront mener combat pour que les citoyens s’approprient une certaine maîtrise de leur propre destin. L’essentiel ne tiendra pas au succès ou ? l’échec de chaque réforme considérée séparément. Il tiendra ? la perception d’une volonté d’ensemble, ? la cohérence d’un dessein. Les gouvernements trébucheront sur des obstacles. Mais le besoin est si grand, les gens sont tellement en attente d’un « autrement » que l’espérance peut naître.

Nous vivons une époque charnière de l’Histoire, un de ces rares moments où, ? partir d’une nouvelle donne technologique, peut s’inventer un nouvel humanisme. L’alternative est tragiquement simple. Ou bien nos démocraties s’étioleront ; ou bien elles deviendront vivantes, participatives et génératrices de ce qui manque le plus dans notre monde actuel : la dignité.

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Commentaires

Je te rejoins sur ces attentes mais pour y parvenir, ou du moins, se mettre en mouvement dans le sens espéré, encore faudrait-il que de nouvelles "règles du jeu collectif" voient le jour!

Non pas des règles en plus des trop nombreuses règles actuelles beaucoup trop nombreuses, perdues dans les sables mouvants des détails et des cas particuliers.

Non! Plutôt de nouvelles règles fondatrices venant en substitution, des "commandements nouveaux" dont la trame soit suffisemment lâche pour que tous les individus puissent s'y sentir libres, même si parfois il seront un peu gênés lorsqu'ils cotoieront d'un peu trop près les limites de ces nouvelles règles, de ces "nouveaux principes de vie" destinés ? une réalité collective de plus en plus mondialisée et donc concentrée sur une planète unique de plus en plus petite...

La dignité de chacun n'existera pas sans que soit défini une "zone d'autonomie" minimale pour chaque acteur qu'il soit une personne physique ou bien un groupe de personnes organisé.

La recherche d'une organisation sociale par zone d'autonomie me semble aller dans le bon sens car elle assure l'adaptabilité ? la variations des contraintes extérieures.

Mais le terme d'autonomie doit être bien compris, et ne doit pas être confondu avec un individualisme absolu et irraisonné.

L'autonomie est ? l'aise avec les organisations humaines tant économiques que sociales.

Autonomie n'est pas synonyme d'indépendance absolue car vie collective est une réalité intangible et utile.

La finalité du groupe social (individus, organisations, entreprises,...) est extérieure ? ces zones d'autonomie et, en général, les savoir-faire ou les savoir-être collectifs,traduisent la "manière de fonctionner", du groupe considéré, pour assurer sa finalité première.

Finalité, Dessein... Voil? des termes de mise en perpective, de futur, de synthèse et d'union dans le mouvement...

Tout ce dont nos sociétés déboussolées ont le plus besoin.

N'est-ce pas ?

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