Indicateurs : de performance ou d'esbroufe

La Loi Organique sur les Lois de Finances est l'une des composantes de la réforme de l'Etat. Elle prévoit d'allouer les crédits aux administrations sur la base des missions fixées au gouvernement et de suivre la performance des actions entreprises par des tableaux d'indicateurs, pour davantage de lisibilité, de responsabilisation et de démocratie.

On trouve ainsi sur le site du Ministère des Finances les avants-projets de performance, ministère par ministère, des missions et programmes du gouvernement. Chacun comporte un chapitre "objectifs et indicateurs de résultats". C'est le cadre qui permettra de mesurer l'efficacité et l'efficience de l'action du gouvernement, la feuille de score qui fera que la LOLF se limitera ? une bonne idée abstraite ou deviendra un exemple de gouvernance démocratique.

Hélas, la constitution des indicateurs, la façon dont ils seront mesurés, laisse parfois perplexe. Ainsi, aux Affaires Etrangères, le programme "action de la France en Europe et dans le monde" comporte l'indicateur "Présence de la France et des Français dans les instances de décision et les organes élus des organisations internationales". Voil? qui semble alléchant, mais... il est mesuré comme "Nombre d’élections remportées par la France / Nombre d’élections auxquelles la France était candidate". Il suffit donc de n'être candidat qu'? des élections dont l'on contrôle l'issue pour faire bonne figure. Gageons pourtant que l'idée du législateur était plutôt d'encourager une volonté de représentation ? des instances nouvelles. Et ne parlons pas d'indicateurs sur des programmes plus sensibles, comme l'emploi ou les discriminations...

Espérons que le principe selon lequel "toute variable observée s'améliore" ne se traduira pas ici par une prestidigitation permettant d'afficher de bons chiffres qui ne reflètent rien, avec en plus l'alibi de la rigueur systémique et des "bonnes pratiques" de gestion de l'entreprise privée. Espérons, en somme, que l'honnêteté intellectuelle prévaudra sur la préservation du statu quo confortable.

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Commentaires

Il est certain que le meilleur instrument de mesure appliqué sans discernement ou au contraire de manière spécieuse peut conduire soit ? n'importe quel résultat soit, hélas, ? celui qu'on aimerait "politiquement" voir apparaître. Nous avons l? encore un exemple de qualité et de nature de l'information ce qui n'a presque rien ? voir avec la valeur d'une mesure qui n'est qu'une donnée. C'est le sens qui fait l'information pas le fait lui-même, tous les journalistes le savent bien.

Il serait ? cette occasion intéressant de soumettre ? débat la valeur que tout un chacun donne au terme de déficit de l'Etat. Lorsqu'on sait que les analyses économiques de l'Etat se font sur le très court terme d'une année (cycle de vote les lois de Finances), on comprend facilement qu'on ne peut mesure ? cette échelle de temps que des phénomènes qui ont leur début et leur fin ? l'intérieur de ce court laps de temps. Pour dire autrement les choses, ? l'époque où tout le monde glose sur une "gestion de l'Etat ? la manière d'une entreprise privée", très peu de gens savent que les comptabilités historiques des Etats sont de simples comptabilités de caisse et que la notion fondamentale en gestion de dépense amortissable (bien immobilisé amortissable) n'existe pas !!!

Réfléchissons ? ce que serait le résultat financier annuel d'une entreprise dans laquelle la durée maximale d'amortissement serait de 1 an. Elle serait pratiquement toujours en déficit, pour peu qu'elle continue ? avoir un flux régulier d'investissements.

Pourquoi ne pas dire que si la notion d'amortissement dans la comptabilité des Etats était prise en compte, on pourrait avoir soudain des "miracles" et trouver que les comptes réels de certains Etats sont positifs !

Comptablement, lorsqu'une entreprise achète un bien dont elle va se servir pendant plus d'une année budgétaire, le fisc lui demande de l'amortir sur plusieurs années. Pourquoi l'Etat n'appliquerait-il pas ? lui-même ce qu'il demande, fort justement, aux entreprises ? Aurait-on peur d'une certaine "vérité" économique et d'un changement de la pensée unique ambiante en ce qui concerne les dépenses des Etats ???

Pourtant le seul fait de discerner, lors du paiement d'une dépense publique, le fait qu'elle corresponde ? un bien amortissable ou pas, permettrait de savoir si la variation de la dette qui se constate en général en fin d’année civile, sert ? financer des dépenses d’investissement destinées ? être consommées sur plusieurs années ( donc par les générations futures ) ou bien de simples dépenses courantes destinées ? être consommées immédiatement. Créer de la dette longue pour un investissement long peut être de bonne gestion par contre s’endetter pour consommer immédiatement est aventureux… Et ce simple distinguo, la LOLF ne le fait toujours pas !

On comprend que la comptabilité des Etats qui donne naissance au calcul du fameux "déficit" est biaisée car elle ne fait aucune différence entre un bien durable et un bien consommable. Autrement dit, pour un même déficit public, on peut avoir soit un Etat vertueux qui investit pour l'avenir et le futur, soit un Etat prodigue qui dépense pour son bien être. Comment alors les comparer sérieusement ?

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