Euroscepticisme et … eurométaphores

Depuis longtemps les détracteurs, les contempteurs de la construction européenne et autres eurosceptiques ont appliqué à celle-ci des métaphores aussi variées que péjoratives, puisant alternativement dans le registre de la quincaillerie avec la « passoire », pour montrer que l’Europe s’ouvrait à tous les vents de la mondialisation – commerce, capitaux, flux migratoires – loin d’en protéger ses membres, et dans celui de l’anatomie avec le « ventre mou », pour formuler à peu près la même critique.

Ces derniers mois, face aux difficultés, défis et dissensions manifestes que la crise économique et financière suscite dans l’Union Européenne, avec l’hétérogénéité de ses membres, les mêmes commentateurs ont renouvelé leur registre en puisant leurs images dans le monde animal, qu’il s’agisse des mammifères, avec l’idée d’un troupeau composite où des purs sangs côtoient chevaux de trait, ânes, mulets et baudets, troupeau manquant en outre d’un « cow boy » de tête clairement identifié pour le conduire (ou, ce qui revient au même,  en ayant de trop nombreux …) ; qu’il s’agisse aussi des volatiles avec l’image du canard sans tête qui même décapité continue de courir – pendant un certain temps du moins – par simples convulsions, sans direction particulière ; qu’il s’agisse encore des insectes, avec – excusez du peu ! – la convocation de La Fontaine, de sa cigale et de sa fourmi, où l’on reconnaîtra aisément la dépensière Grèce versus l’économe Allemagne …

Or comme nous l’enseigne le fabuliste, si cigale et fourmi se rencontrent, la compréhension ne s’établit pas entre elles, leur union encore moins et l’affaire finit mal pour la première.

Et les compagnons d’infortune de la Grèce en détresse financière désignés par les salles de marchés anglo-saxonnes – fort peu europhiles, comme l’on sait…  – sous l’appellation, métaphorique aussi mais peu poétique celle-là, de PIGS, Portugal, Irlande, Grèce et « Spain »/Espagne, les cochons donc en bon français, apparaissent à cette aune comme autant de cigales potentielles …

Avec cette crise qui n’en finit pas de secouer et de tester l’intégration européenne inachevée, nul doute que – sans même remonter jusqu’au Général de Gaulle qui déjà invitait il y a 50 ans les zélateurs de l’Europe à brider leur enthousiasme de cabris ! – nos eurosceptiques de … tout poil n’aient encore bien des occasions de « filer » la métaphore animale dans toutes les facettes possibles (ils pourront par exemple, à mesure que le risque de faillite se propage à d’autres pays que la Grèce, solliciter à nouveau La Fontaine, et ses « animaux malades de la peste », qui « ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »…), et que, tels des … oiseaux de mauvais augure, ils n’annoncent ainsi, dans leur imagination sémiologique, rien de bon pour cette pauvre Europe, la « pauvrette »… !

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