Droit du travail ou Droit du commerce ?

Nos civilisations modernes s'enivrent tous les jours de l'idée d'égalité des Droits. Il est vrai qu'il s'agit là d'une des notions qui distinguent le plus les peuples civilisés des peuples barbares ...

L'un de mes jeunes neveux, âgé de moins de 26 ans, ingénieur diplômé de bonne origine, vient de s'entendre dire, par une entreprise, que sa candidature est certes jugée intéressante mais que son traitement est momentanément "suspendu" pour raison d'évolution prochaine de la législation du travail... Il revient vers moi pour me demander conseil. Je dois dire que, dans son cas, je suis un peu perplexe. ll en profite pour me faire remarquer que, par ailleurs, il est en cours de changement de son contrat actuel auprès d'un grand opérateur de téléphonie qui lui "suggère" de changer de mobile. La proposition lui semble intéressante : acquérir le mobile pour un prix assez raisonnable mais à la condition qu'il souscrive immédiatement un contrat de fidélité dont il ne pourra se libérer qu'au bout de 2 ans. Son dilemme s'amplifie... et mon questionnement surgit ! D'un côté, il lui est demandé, en application du Droit du Commerce, de s'engager fermement au titre de "personne privée" vis à vis d'une "personne morale" pour une durée de 2 ans en lui assurant un chiffre d'affaires récurrent. De l'autre, il se trouve face à une autre "personne morale" qui ne veut pas s'engager fermement à assurer un revenu récurrent et stable à lui, "personne privée", en application du futur Droit du Travail, et ce pour une durée de 2 ans. Je cherche la logique de la situation et je ne sais que lui conseiller... sauf à lui proposer de trouver une source de financement complémentaire autre que son futur travail. En effet, que dirait-on d'une entreprise qui ne tirerait ses recettes que d'un seul client ? Tous les auditeurs diraient qu'elle est... mal gérée. Alors pourquoi ne travailler que pour une seule entreprise ? Mais je me dis aussi qu'il faudra bien un jour s'entendre sur le terme d'égalité des Droits dans notre beau pays de France et se poser la question de savoir si certains droits en matière de contrat sont différents selon que l'on est une personne "privée" ou une personne dite... "morale".

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Commentaires

Il me semble que les "intellectuels" de tous bords ont parfois perdu le sens de la " réalité de l'entreprise ".

Une entreprise, en terme de fonctionnement, ne sait faire réellement que 2 choses, au fond.

Soit Acheter
Soit Vendre

Cette analyse permet d'ailleurs de trouver une ligne de séparation des eaux entre les différents "postures" des managers-dirigeants.

Certains sont des "commerciaux" tournés vers les marchés, vers les clients et pour lesquels l'optimisation de la gestion de la maison est seconde.

Les autres sont des "acheteurs" tournés vers les ressources, vers les fournisseurs et pour lesquels le développement de l'activité est souvent second par rapport à l'optimisation des achats et du résultat d'exploitation.

L'idéal pour une entreprise "qui gagne" est de trouver en son sein les deux moteurs et pas un seul.

Une entreprise est en fait un avion bi-moteur !

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Ceci pour dire, que le fait, pour une société à but lucratif, de vouloir d'un côté " assurer ses revenus " en contractualisant avec son client et en le transformant, pour un temps, en une recette fixe est de bonne guerre... commerciale.

Par ailleurs, la même société, qui souhaite " flexibiliser ses charges " en contractualisant avec son fournisseur de travail ou de service et en le transformant, pour un temps en une charge variable et non plus une charge fixe, est de bonne guerre... acheteuse.

La morale de l'histoire est que, sur tout MARCHE, que ce soit un marché de matières premières, d'actions, de services ou bien de " travail ", la même LOI s'impose. Pour gagner il faut chercher à utiliser des stratégies de prises de positions VENTE/ACHAT qui soient les moins risquées et qui dans le faits... reportent sur l'autre co-contractant le maximum des risques de la vie !!

Par définition, le contrat de travail consiste à louer sa force de travail à un employeur en acceptant, contre rémunération, un lien de subordination avec un employeur.
Dans cette optique, la force de travail se loue comme on loue une machine, ni plus ni moins.
Si donc l'employeur ne sait pas faire fonctionner la machine, il en est pour ses frais : il doit payer le temps pendant lequel il a été en situation de pouvoir utiliser la machine. Même s'il n'a rien gagné ...
Le contrat de prestation de service, lui, est complètement différent : l'acheteur du service n'est tenu de payer que si le service a été rendu. Parexemple, la construction d'une maison, le "pressing" du linge domestique, etc ...
Dans la première hypothèse on est dans le cadre du droit du travail, dans le second, dans le cadre du droit commercial (un prestataire de service vend une prestation à un particulier, pour être précis).
Les employeurs sont "coincés" dans une tenaille : ils voudraient bien n'avoir à payer que si le "travail" a été fait correctement et en même temps avoir la main sur le fournisseur (le travailleur).
Il faut s'y faire, on ne peut pas tout avoir ...
J'ajoute, enfin, qu'il n'est pas interdit à un travailleur d'avoir plusieurs patrons. La seule chose que ce travailleur ne peut pas faire, c'est de se mettre à la disposition de plusieurs employeurs en même temps.
Sauf, bien sûr, s'il a le don d'ubiquité ou celui de se cloner lui même ...mais, là, c'est encore du domaine de la science fiction!

@ Jacques Heurtault
Sur sa remarque :
" Les employeurs sont "coincés" dans une tenaille : ils voudraient bien n'avoir à payer que si le "travail" a été fait correctement et en même temps avoir la main sur le fournisseur (le travailleur). Il faut s'y faire, on ne peut pas tout avoir ... J'ajoute, enfin, qu'il n'est pas interdit à un travailleur d'avoir plusieurs patrons..."

L'idée d'avoir "la main sur le fournisseur, sur le salarié" est en effet un élément constitutif du contrat de travail. L'employé doit être disponible pour toute requête faite par l'employeur pendant sa période de travail qui peut donc, et en ce sens, être analysée comme une "période d'astreinte".

La contrepartie de cet "immobilisation provoquée" par l'employeur vis à vis de l'employé a un prix que l'on appelle "rémunération". Par contre celle-ci s'appelle "salaire" lorsque la durée conventionnelle, de fréquence régulière et certaine de cette immobilisation (ie. la durée de travail) est convenue entre les parties. La notion de "durée" est donc bien le fondement du contrat de travail né entre les parties.

La logique économique ordinaire serait que lorsque cette "durée" est délivrée non pas en gros (cas du CDI) mais au détail (cas des CPE, stages productifs, CDD, etc... ), son "prix" pour le client-employeur soit plus élevée au détail qu'en gros !

Autrement dit, plus la "flexibilité" dont a besoin l'entreprise est forte, plus le "prix du temps sous astreinte" est élevé.

Le prix ne peut donc pas "être le même" en gros ou au détail... sauf si le "marché" entre le client et le fournisseur est complètement déséquilibré !

Si l'entreprise souhaite vraiment de la flexibilité dans le contrat de travail, il faudrait, en toute logique, qu'elle se résolve à la rémunérer et à en accepter les conséquences normales, à savoir :

- un prix élémentaire plus élevé (sur-valeur due à la flexibilité),
- une quantification contractuelle de la "disponibilité demandée" entre les périodes de flexibilité.

Par exemple, une requête de l'employeur pourrait demander un "temps de réaction" pour l'employé d'une durée maximum convenue et contractuelle.

Ainsi, pour certaines activités de service pouvant ne pas nécessiter de présence physique obligatoire et constante sur un lieu de travail donné, on pourrait imaginer des employés en "time sharing".

Il s'agirait donc pour plusieurs employeurs d'utiliser la même compétence "presque en même temps" de la même manière que plusieurs utilisateurs utilise quasi-simultanément le même ordinateur.

Ceci est évidemment une image, mais aussi une voie de réflexion, en particulier sur le télétravail.

Mais nous sommes là encore dans le domaine de l'Utopie dans la mesure où les rapports du travail au plan mondial risquent de plus en plus d'évoluer du "rapport négocié et contractuel" vers un simple "rapport de forces"... En effet il est beaucoup plus simple de purement et simplement diminuer le prix du travail plutôt que de réfléchir et de mettre en oeuvre une optimisation de son usage.

L'actualité récente ainsi que la décision du Tribunal des Prud'hommes concernant la légalité des nouveaux contrats de travail par rapport au droit international ( OIT ) semble montrer que ces questions ne sont pas que de simples spéculations !

Bonne journée

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