Attachez vos ceintures

090403-AttachezvosCeintures.jpgLa plupart des responsables économiques et politiques actuellement aux commandes se souviennent des crises pétrolières de 1973 et 1980 qui ont entraîné deux années de décroissance. Ils se souviennent aussi que les affaires ont vite repris leur cours et que les vertes exhortations du « Club des Rome » ont été rapidement oubliées.

Ainsi, en arrivent-ils à croire qu’une simple moralisation des circuits financiers suffira à vaincre la crise qui nous assaille depuis deux ans. 

C’est oublier qu’entre 1973 et 2007, la population du monde a doublé. Les nuisances environnementales ont même plus que doublé puisqu’en Chine, en Inde et ailleurs, des centaines de millions de pauvres ont pu accroître leur consommation. La baignoire à pollution, qui était presque pleine il y a 25 ans, s’est mise à déborder. « Qu’à cela ne tienne, rétorquent les bien-pensants, la croissance reprendra sur une nouvelle base ; nous aurons une croissance verte ; le risque sera transformé en opportunité ». 

Il faut évidemment tout faire, et le plus vite possible, pour que cette heureuse prophétie puisse se réaliser. Les milliers de milliards des différents plans de relance ne serviront pas seulement à construire des routes, des immeubles et des ponts. Des innovations fleuriront. Elles modifieront les modes de production. Une nouvelle ère de prospérité est envisageable. 

Oui mais quand ? Dans un premier temps, il faudra se contenter d’améliorations ponctuelles de procédés existants. Il faudra plus longtemps pour que des découvertes scientifiques permettent une rupture significative[1]. En mettant les choses au mieux, il faudra cinq ans pour que la nouvelle croissance atteigne le rythme de l’ancienne. En attendant, le monde devra subir la récession puis, se satisfaire d’une reprise plus ou moins poussive selon les régions. Ce sera la période tous les dangers. 

Des masses, à peine sorties de la pauvreté, seront frustrées et aptes à la révolte. Des jeunes ne croiront plus que des lendemains puissent chanter. L’ordre ancien craquera. L’espoir tardera à percer. Les émeutes se multiplieront. Bientôt, les menaces conjuguées de replis identitaires, de tentations totalitaires et de pulsions belliqueuses feront que l’urgence des risques politiques l’emportera sur l’impératif écologique. Les tensions seront telles que l’irréparable n’est pas exclu. Pour éviter le pire, il faudrait être en mesure de jeter les bases d’une nouvelle société, de bricoler les ressorts d’une écologie humaine, de tisser, selon l’expression d’un philosophe, « des liens qui unissent sans trop serrer ». Plus facile à dire qu’à faire. Les grandes tendances sociétales n’avancent pas au même rythme dans le monde entier. A l’intérieur même d’une zone relativement homogène comme l’Europe, rien ne prouve que les bonnes pratiques progresseront partout et simultanément. 

Aux quatre coins de la planète, on découvre, cependant, des attentes propices à une mutation. Chacun sent qu’un simple retour à « l’avant crise » n’est pas possible ou même souhaitable. Une large majorité de Terriens a envie d’œuvrer pour que la marche vers une société plus humaine commence avant que la fureur l’emporte sur la raison … avant que des bombes atomiques se mettent à voler.




[1] Voir dans le Blog du Club  l’analyse de Michel Mabile intitulée "L’innovation : une réponse à la crise ? " sur les différentes phases de l’innovation.
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